Après avoir connu les honneurs de la place publique, la religion catholique s’est retirée au cours des dernières années. Le triomphe s’est émoussé. Les signes religieux se font plus discrets quand ils ne disparaissent pas complètement. Et on conclut que la foi chrétienne est une affaire personnelle, bien plus une affaire privée. La religion est spirituelle. La foi met l’accent sur l’intérieur. Le mercredi des cendres nous a rappelé, la semaine dernière, que Dieu nous attend dans la chambre secrète de notre coeur.Les manifestations extérieures risquent de faire sombrer dans le pharisaïsme. Méfions-nous donc de l’ostentation.
Il y a du vrai dans tout cela. Mais avec des bémols. Le christianisme se nourrit beaucoup des prophètes comme Isaïe, Jérémie, Ézéchiel, Amos. Et qu’est-ce qu’ils disent, ces prophètes? Où voient-ils la religion? Comment devons-nous vivre notre foi, d’après ces saints hommes? Écoutons Isaïe.
«Si tu fais disparaître de ton pays le joug, le geste de menace, la parole malfaisante, si tu donnes de bon coeur à celui qui a faim, et si tu combles les désirs du malheureux, ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera comme la lumière de midi. Le Seigneur sera toujours ton guide.» (58, 9-11)
«Recherchez la justice, mettez au pas l’oppresseur, faites droit à l’orphelin, prenez la défense de la veuve.» (1, 17)
«Je t’ai destiné à être l’homme de mon Alliance avec le peuple pour relever le pays, pour répartir les terres dévastées, pour dire aux captifs: “Sortez de votre prison!”, à ceux qui sont dans les ténèbres: “Venez à la lumière!”» (49, 8-9)
Voilà quelques versets du prophète Isaïe. Des mots? Oui, pour demander des conduites bouleversantes! Le prophète est reconnu pour sa poésie, mais ici il y a plus que des images poétiques. L’homme de Dieu prêche un royaume de justice qui exige un combat incessant, persévérant, courageux. Le croyant ne peut se contenter de rêver un idéal de justice. Il doit poser des gestes. La foi demande des bras et de l’énergie physique. La foi doit semer du réel.
Alors comment pourrions-nous enfermer une telle foi dans la vie privé? Comment pourrions-nous la réduire dans la discrétion du secret? Jésus lui-même a présenté une grande fresque du salut au chapitre vingt-cinquième de l’Évangile selon Matthieu. La foi y est engagement auprès de ceux et celles qui ont faim et soif, qui sont nus ou en prison. La place publique est le terrain d’exercice de la foi. L’Évangile ne demande pas de pavaner, ni de nous exposer pour être honorés. Mais il exige de sortir de notre isolement pour traduire concrètement le commandement de la charité, commandement qui prend souvent les sentiers de la justice et de la lutte pour la paix.