Un jeu est à la mode parmi les écrivains, les journalistes, les chroniqueurs, et dans l’univers des médias en général. Ce jeu consiste à parler de la religion en des termes ambigus. Vous pourriez être pour, mais ça paraît mieux d’être contre!
Si vous osez admirer ou vous montrer sympathiques à une dimension ou l’autre de la foi chrétienne, vous n’avez qu’à terminer votre chronique en vous affichant non croyant. La non foi est ici une attestation de crédibilité et peut-être même la garantie de votre survie comme chroniqueur!
Au Musée des crèches de l’Oratoire Saint-Joseph, j’ai entendu jeudi dernier une dame respectable s’exclamer devant une peinture: «Cette peinture est magnifique. Je l’aimerais dans mon salon. Cela ne paraît pas que c’est Joseph, Marie et Jésus!» Cela ne paraît pas!… en plein sanctuaire, au milieu d’une centaine d’illustrations de l’incarnation du Christ! On avait pris la peine d’escalader la montagne où il n’y avait rien d’autre à voir que des crèches dans un sanctuaire chrétien!
Aux entrevues superficielles de la télé dominicale, l’animateur clôt une discussion qui tourne facilement vers le religieux en disant péjorativement: «C’est judéo-chrétien!» «Chrétien» ici étant synonyme de «crétin»! L’expression recouvre des trésors de toute une tradition plusieurs fois millénaire et parmi ce qu’il y a de plus riche dans la culture québécoise. Avec quelques crétineries, je l’avoue, mais pas assez pour jeter le bébé avec l’eau du bain.
Un poète vient de publier un recueil de poèmes. Or, cet artiste se manifeste ouvertement croyant. Il va même jusqu’à évoquer des scènes bibliques et des expériences de foi dans son livre. Le recenseur remarque le souffle poétique de l’auteur, son talent indéniable. Il veut en parler sans laisser croire qu’il adhère à son contenu. Il qualifie alors d’historiettes ce qui inspire ce poète de grande qualité. Il terminera avec une phrase d’admiration pour l’oeuvre. Le tout, coiffé d’un titre aux accents ironiques: «Prions en l’Église»! La recension paraît dans un journal respectable, que l’Église a déjà réchappé de la disparation au cours de son histoire presque centenaire.
Non! Ne dites pas que vous êtes croyant. Cela passe mal dans les salons, même en rentrant de la messe de Noël. Militez contre le port du voile chez les musulmanes, mais cachez toute réminiscence de croyance chrétienne derrière le voile de votre pseudo-libération.
Le religieux n’a pas bonne presse. Les québécois et les québécoises pensent s’en être libérés. Mais la frustration qu’ils manifestent lorsqu’ils en parlent dit bien que la thérapie reste à faire. Ils en ont contre les interdits d’une époque où les curés se montraient particulièrement exigeants en matière de morale. Les autorités de l’Église auraient été et seraient même encore les responsables des maux et misères de l’humanité. On oublie facilement cependant que le vingtième siècle a connu les deux plus grands mouvements de déshumanisation de toute l’histoire de l’humanité: le nazisme et le communisme. Et ils n’étaient pas des idéologies religieuses. Loin de là!
On oublie aussi que le christianisme figure bien haut au palmarès des combats en faveur de la liberté et de la justice, et cela tout au long de ses deux millénaires d’existence. On doit au christianisme la reconnaissance de l’égalité entre les personnes, entre les races, la lutte pour la liberté de parole, la création de la démocratie, la naissance de l’université, etc. Si on parle encore français en Amérique du Nord, il faut remercier le clergé qui est demeuré avec le peuple alors que l`élite française rentrait massivement en France au moment de la Conquête anglaise! J’ai fait mon cours classique dans un collège fondé pour sauver le fait français au Québec et tenu à même les maigres salaires des prêtres qui y vouaient leur vie.
Tout cela, c’est aussi du «judéo-chrétien», et de bonne qualité!