Il faudrait bien parler de Noël… Il faudrait bien… l’expression qu’on utilise quand on sent une obligation ou un devoir. Et pourtant, ce ne serait pas très lourd que de parler de l’événement à l’origine de cette fête. Plus je vieillis, plus je suis fasciné par le mystère de l’incarnation. Dieu parmi nous comme s’il n’y avait pas plus beau que la terre pour lui. Dieu parmi nous comme s’il n’y avait rien de mieux qu’une vie humaine pour que Dieu respire sa vie divine. L’événement étonnant de Noël proclame non seulement l’amour de Dieu à l’endroit des humains, mais aussi «l’éminente dignité» (Bossuet) de l’être humain dans toute sa nudité et son dépouillement.
Je ne suis pas surpris de constater que nous ayons entouré la fête liturgique d’un riche folklore. Pas surprenant que nous nous lancions dans la fantaisie avec nos arbres dans les maisons, nos décorations lumineuses, les plats divers que nous savourons jusqu’à plus faim, et les chants typiques de cette période de réjouissances.
Tout ce déploiement nous distrait-il du coeur même du mystère? Peut-être. J’ai plutôt l’impression qu’il nous force à prendre au sérieux le message central de Noël. Plus c’est humain, plus c’est Noël. Plus c’est en accord avec Dieu qui daigne se faire humain pleinement.
Un enfant! Rien qu’un enfant! Certains diront que ce n’est pas sérieux. Dieu nous dit plutôt que c’est ce qu’il y a de plus sérieux dans l’univers. Un enfant dans toute sa faiblesse. Un enfant dans toute sa séduction. Notre attention se portait ailleurs. Dieu nous ramène à nous-mêmes dans un enfant qui naît au hasard d’un voyage.
Dieu naît en passant. Dieu arrive à la belle étoile. Dieu se retrouve sans abri, sans vêtement, sans confort ni richesse comme pour nous situer au-delà des valeurs. Dieu nous dit que l’être humain ne se pèse pas. Il ne se calcule pas. Nous sommes souvent tentés de jauger l’importance des humains à leurs avoirs. Dieu dit, en naissant pauvre et démuni, que l’être est la véritable grandeur de l’humain. Nous sommes toute gratuité.
Il n’est pas étonnant alors que nous choisissions la fête pour dire ce mystère tout gratuit. La fête, c’est dire des choses sérieuses en utilisant le langage de la fantaisie. Nous soulignons à grands traits de joie et de partage l’essentiel qui s’écrit dans notre livre de vie.
Il faudrait bien parler de Noël. Ou plutôt le laisser parler vraiment. .Écouter Noël sans préjugé. Le laisser écrire sa page plutôt que de griffonner à sa place. Peut-être avons-nous trop réglé son compte à cette fête. Noël a grandi parmi nous comme un adolescent qu’on n’écoute pas suffisamment.
Le christianisme est une religion qui nous renvoie à nous-mêmes au lieu de nous faire fuir loin de notre réalité. Et Noël nous incite à chercher la présence de Dieu au sein de l’univers. Dans ce monde et pas ailleurs, Dieu veut être rencontré.
Décidément, il faudrait bien parler de Noël…