À la fin de septembre dernier, j’ai dû subir une chirurgie majeure. Et je me suis vu forcé de prendre du repos. J’étais condamné à la paresse. Il m’a fallu cessé tout travail. Quel supplice! Je n’aimais pas devoir me limiter à prendre soin de moi. Dans ces circonstances, je me suis retrouvé à la campagne, devenu l’hôte d’une de mes sœurs. Sa demeure et son village étaient l’endroit idéal où trouver les conditions les plus favorables pour ce que j’avais à vivre : un temps de grâce et de merveilles, du temps pour flâner et pour récupérer, un temps pour changer mon rythme de vie et pour rompre profondément avec mes habitudes de mercenaire.
J’ai eu, bien sûr, la chance de suivre à loisir l’évolution de la grande finale du base-ball majeur. J’ai pu applaudir à l’impressionnante remontée des Red Sox de Boston. Mais j’ai eu aussi et surtout le temps de lire, d’aller en toutes sortes de nouvelles avenues d’activités selon mes goûts et mes talents. J’ai même tâter du dessin et de la peinture. La saison d’automne, j’ai pu la suivre de l’œil en son évolution et ses multiples visages. J’en ai profité mieux que jamais. L’air plus frais d’octobre, je l’ai respiré tout à mon aise. J’ai fréquenté les buissons des alentours pour y cueillir plein de fruits mûrs, sauvages et savoureux. J’ai vu avec compassion les chevreuils nerveux et inquiets, qui pressentaient peut-être la venue prochaine de quelque chasseur. J’ai vu les oiseaux partir pour leurs quartiers d’hiver. L’inévitable chute des feuilles m’impressionne toujours. J’ai respiré follement la bonne odeur qui se dégage des bois et sentiers, où se déroule à profusion partout l’immense tapis rouge et or aux fortes arômes automnales.
Et je me suis trouvé finalement bien chanceux de pouvoir prendre ce temps de vivre, de devoir relaxer, de voir et d’écouter la vie, les choses, les sons et les couleurs. Tout cela m’a donné de plus en plus le goût, le pressant désir d’en faire une prière dès l’instant présent, d’en faire provision de sagesse et de paix pour la suite de ma vie. Pourquoi fallait-il attendre cette épreuve, ce temps d’exclusion et de retrait, pour y saisir l’occasion de développer de nouvelles attitudes, un nouveau regard ? Pourquoi avoir attendu cette circonstance pour entrer dans ce merveilleux jardin ? Fallait-il vraiment cette chirurgie pour y arriver ? Et je me dis que nous passons trop facilement à côté des choses toutes simples de la vie sans nous donner la peine de les voir et d’y goûter. Alors qu’il serait tellement simple et suffisant de vouloir avec cœur et détermination se donner du temps, de l’espace et les moyens pour le faire. Sachons tout au moins profiter des circonstances qui nous sont données pour nous rendre plus sensibles aux personnes qui nous entourent et entrer davantage en communion avec tous les êtres.
Jacques Marcotte, OP
Québec