Dans un gros bouquin scientifique – et savant par surcroît! – un astro-physicien affirme, à la suite de bien d’autres, que l’univers est infini et éternel. Sa démonstration est simple: si l’univers a une limite quelque part, il existe un autre univers au delà de la frontière du premier. Et ainsi de suite, les mondes se juxtaposant les uns aux autres. Le raisonnement n’est pas bête, loin de là. Cependant, ce raisonnement ne déborde pas la raison.
La foi, par contre, proclame que le monde a un commencement. Elle dit même qu’il a une fin. Elle affirme, mais elle n’explique pas comme le savant, elle ne démontre pas. Elle invite à reconnaître la finitude de l’univers. C’est beaucoup demander à des esprits intelligents, qui réfléchissent, raisonnent, font des déductions et parviennent à la lumière de leur raison. C’est beaucoup demander que d’affirmer tout simplement sans appui, en toute gratuité.
L’imagination peut facilement inventer des récits sur les origines de l’univers. La poésie peut faire appel à des images qui essaient de comprendre comment les choses ont commencé. La science peut déduire de ses recherches des suppositions, parfois affirmer preuve à l’appui. La foi se contente de publier un point c’est tout!
Mais l’affirmation de la foi n’en reste pas là. Elle entraîne des conséquences sur la perception que nous avons ou que nous devrions avoir de nous-mêmes, des autres, de l’auteur de l’univers.
Le monde a un commencement, j’ai un commencement. J’ai connu une naissance. Je viens de rien sinon de l’auteur de ce monde. Je viens de Dieu. Il ne m’a pas demandé mon avis puisque j’étais sans existence avant d’être conçu et avant que je naisse. J’existe par un autre et par d’autres. Je reçois mon existence de Dieu et des milliers de personnes qui traversent les siècles jusqu’à mes parents et tant d’autres qui me rendent service tous les jours. Tout m’est offert, je suis moi-même une offrande. Tout m’est donné, je suis moi-même un don de la part de Dieu, une grâce.
Le premier récit de la création, au début de la Bible (Genèse 1, 1-2, 4), essaie de dire que toute l’oeuvre de la création est orientée vers l’être humain. Sous forme symbolique, les Écritures saintes présentent la création dans un déploiement progressif. L’être humain n’apparaît qu’au terme de cette «semaine» de travail de la part du créateur. Cela veut dire que tout ce qui nous entoure est fait pour nous. Et est fait non comme un dû mais comme un don, une grâce. Je ne me suis pas présenté auprès de l’artisan pour commander quoi que ce soit. Je n’étais pas là pour acheter un produit qui ferait mon affaire. Les autres, la nature, le travail, la pensée, tout m’est offert et offert sans que je le mérite. Les pommes ont mûri dans le pommier pour moi. Le soleil a brillé pour moi. L’amitié est née en moi. Tout ces bonheurs, sans que j’aie à payer.
L’univers offert est vaste, mais il est limité. L’être humain ne reçoit pas tout. Dans le second récit de la création (Genèse 2, 4-24), l’auteur biblique présente un arbre dont les fruits donnent la mort. Dieu ne veut pas embêter ses créatures; il n’aménage pas le monde comme une course à obstacles. Au milieu du jardin, l’arbre rappelle que le monde a des limites.
Et, dans ce monde, l’être humain lui-même est limité. Il n’est pas Dieu. Il a des droits mais il n’est pas propriétaire de lui-même. Il est vivant, mais vivant par un autre. Nous nous recevons d’un Autre. Nous existons par un Autre. En nous et autour de nous, la création est en continuelle action. L’action créatrice de Dieu ne se résume pas à une chiquenaude au point de départ de l’univers. La création est une oeuvre continue. En celle-ci et par celle-ci, nous sommes en constante relation avec cet Autre qu’est Dieu.
Une histoire s’écrit entre Dieu et nous, une histoire de don et d’accueil. Finalement une histoire de grâce.