Ce petit livre peut être lu soit par ceux qui reviennent d’un pèlerinage ou ceux qui partiront en pèlerinage. Bourlès est un orphelin de la foi, un homme qui se sent foncièrement en exil de Dieu mais qui, quarante ans après avoir refermé la porte de son église paroissiale, en a ouvert une autre. Peut-être l’une de ces portes étroites conduisant au chemin qui mène à la vie. Pour lui toute marche est d’abord spirituelle. L’important, comme le lui disait son guide dans le désert du Sinaï, «c’est que tu sois debout et en marche». Il est parfois important de partir afin de se désinstaller, d’accepter de se mettre à merci dans une société qui fait de la surprotection l’une ce des valeurs quotidiennes.
Chemin de foi ou itinéraire spirituel, le pèlerinage s’apparente à une ascèse par le dépouillement dans lequel se plonge volontairement le peregrino. Un dépouillement menant rapidement au dénuement. Dénuement matériel, selon la règle «Allez sur le léger», formulée par les évêques aux passants du Moyen Âge, dépouillement par l’abandon de sécurité et de confort, autant que par l’acceptation des risques encourus.
Dans Pèlerin sans église, Jean-Claude Bourlès nous emmène avec lui dans sa marche jusqu’à l’abbaye Saint-Martin de Mondaye et au sommet du mont Sinaï. Deux itinéraires, un même questionnement. «Pourquoi des individus décident-ils effectivement de partir, et, pour que ma question prenne tout son sens : pourquoi acceptent-ils aussi de revenir? Pourquoi suis-je ici, sur ce chemin de foi reconnu et sanctifié par trois religions monothéistes, alors que je ne crois ni ne pratique en aucune confession?» Un pèlerin sans foi et sans église ! Plus modestement, un agnostique qui, rompant l’immobilité de la nuit, se met en marche vers un rendez-vous où personne ne l’attend. Bourlès termine son livre en prenant à son compte les derniers mots bernanosiens du petit curé s’Ambricourt, ultime témoin de la pitié sacrée, selon Malraux : «Qu’est-ce que cela fait? Tout est grâce.»