Dans sa correspondance, Mère Teresa révèle qu’elle a douté de l’existence de Dieu. Elle a beaucoup souffert de ce vide intérieur qui se creusait de jour en jour. Elle avait beau supplier Dieu de se laisser apercevoir; elle se butait sur le silence, un lourd silence froid, opaque, angoissant…
Nous avons manifesté diverses réactions devant cette révélation. Certains ont été bouleversés: comment une femme de cette qualité, si engagée dans la foi, a-t-elle pu tenir le coup alors que la foi ne semblait pas au rendez-vous? Jean-Paul II aurait-il été aveuglé par son amitié en béatifiant, et ce très rapidement, une femme aussi fragile dans son expérience spirituelle?
D’autres – et j’en suis – ont applaudi en apprenant la nouvelle. La route de Mère Teresa ressemble à des milliers d’autres parcours, sinueux, rocailleux. Jésus annonçait ces routes étroites (Matthieu 7, 13-14). Il invitait même à les choisir de préférence aux chemins spacieux.
Il va sans dire que l’expérience spirituelle de Dieu, ou plutôt de son absence, demeure un chemin particulièrement ardu. Le livre de la Genèse l’apparente à un combat entre Jacob et un mystérieux personnage. À l’issue de ce combat, l’adversaire conclut: «On ne t’appellera plus Jacob, mais Israël, car tu as été fort contre Dieu et contre les hommes et tu l’as emporté.» (Genèse 32, 29)
Faut-il vaincre Dieu? Je pense que Dieu concède la victoire quand celle-ci devient victoire du croyant sur lui-même. L’expérience de la quête de Dieu est dépouillement jusqu’à la nudité totale de l’être confronté à ce qui s’apparente au néant. La Lettre aux Hébreux dit de Moïse, dans sa traversée du désert: «Comme s’il voyait l’invisible, il tint ferme» (Hébreux 11, 27). En face de Dieu, je ne peux que dire: «Il n’est rien de ce que je vois; il est le Tout Autre.»
On attribue à Grégoire de Nazianze une hymne qui traduit exactement ceci: Ô toi, l’au-delà de tout, n’est-ce pas tout ce qu’on peut chanter de toi? … Aucun mot ne t’exprime… Tu dépasses toute intelligence… Tu es indicible… Tu es inconnaissable… » Les théologiens dissertent longuement depuis toujours sur Dieu et son existence. Toute leur science n’a encore rien dit de ce Tout Autre, de ce Très Haut, de cet Au Delà. Thomas d’Aquin aurait comparé son oeuvre pourtant gigantesque à de la paille. Au-dessus du commentaire humble, il faut reconnaître là l’acte de foi d’un homme que l’indicible et l’inconnaissable de Dieu a vaincu.
Un vieux prêtre me confiait avec angoisse et désarroi: «Je pense que je perds la foi». Je lui ai répondu: «Tu ne perds pas la foi; tu perds des croyances». En effet, l’expérience spirituelle est faite d’abandon de mille et une croyances qui nous habitent, que nous entretenons parfois avec entêtement. La foi nous appauvrit de nos croyances et de nos certitudes. Elle nous force à marcher dans la nuit. Jean de la Croix résume bien l’expérience du croyant: «Dans la nuit obscure de cette vie, / je la connais la source, par la foi, / mais c’est de nuit.» Dans son Cantique de l’âme, il dit que cette nuit profonde est «pleine d’angoisse». La foi est aussi faite de ce doute profond qui conduit à l’ultime de nous-mêmes et fait reculer en nous les frontières de nos certitudes. Croire, c’est croire l’incroyable!
La Bible témoigne d’une grande entreprise de purification qui commence avec Abraham et remonte le cours de l’histoire jusqu’à nous. D’un siècle à l’autre, les vrais croyants démolissent les idoles, ces faux absolus qui ont une bouche qui ne parle pas, des yeux qui ne voient pas, des oreilles qui n’entendent pas (Cf. Psaume 115 (113).) Dieu n’est rien de tout cela. J’espère qu’un jour il me fera la joie ultime de se révéler vraiment à moi. En attendant, je crois l’incroyable!
C’est le baptème dans la mort de soi-même avant de devenir Pasteur. Le baptème de feu pour devenir une nouvelle personne, comme Joseph qui ayant traversé le fleuve (la mort) change de nom (d’identité). Pour cela il faut passer dans la mort.
La nuit c’est le lien de l’adversaire, c’est là où l’on est conduit par la foi en Christ. On touche ce qu’il est lui le diable, à savoir le néant, le vide, l’absence. C’est son domaine la mort. C’est la 3° tentation de Jésus aprés les 40 jours au désert, d’éviter de passer par là.