Grands défis
Comme le temps approchait où Jésus allait être enlevé de ce monde, il prit avec courage la route de Jérusalem. Il envoya des messagers devant lui ; ceux-ci se mirent en route et entrèrent dans un village de Samaritains pour préparer sa venue. Mais on refusa de le recevoir, parce qu’il se dirigeait vers Jérusalem. Devant ce refus, les disciples Jacques et Jean intervinrent : « Seigneur, veux-tu que nous ordonnions que le feu tombe du ciel pour les détruire ? » Mais Jésus se retourna et les interpella vivement. Et ils partirent pour un autre village. En cours de route, un homme dit à Jésus : « Je te suivrai partout où tu iras. » Jésus lui déclara : « Les renards ont des terriers, les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête. » Il dit à un autre : « Suis-moi. » L’homme répondit : « Permets-moi d’aller d’abord enterrer mon père. » Mais Jésus répliqua : « Laisse les morts enterrer leurs morts. Toi, va annoncer le règne de Dieu. » Un autre encore lui dit : « Je te suivrai, Seigneur ; mais laisse-moi d’abord faire mes adieux aux gens de ma maison. » Jésus lui répondit : « Celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière n’est pas fait pour le royaume de Dieu. »
Commentaire :
Après une longue pause, nous reprenons le chemin des écoliers et retournons à l’école de l’évangéliste Luc, l’historien. L’auteur de livre « Actes des Apôtres » présente à ses disciples, juifs et grecs chrétiens, une catéchèse susceptible de maintenir le souffle de l’Esprit dans l’Église primitive. Compagnon de saint Paul sur les routes de la Grèce et témoin de la fondation des Églises, il fut à même de faire l’expérience des conditions de fidélité à l’évangile de Jésus. L’ « Évangile selon saint Luc » se veut témoin d’une communauté qui a pu survivre grâce à son esprit de partage et de pauvreté, d’amour, de prière et de joie. Toute séduisante que soient ces caractéristiques chrétiennes vécues en Église, elle présente de véritables défis personnels et sociaux.
Relisons dans cet esprit le texte de ce jour : Jésus prend avec courage la route de Jérusalem. Les Samaritains du village refusent de le recevoir : c’était un Juif en route vers Jérusalem. Les disciples tentent d’intervenir avec une certaine forme de terrorisme… Enfin, quelques personnes intéressées à la suivre se laissent retarder par des conflits d’horaires personnels. Qui ne pourrait saisir ici l’opportunité de la recommandation du Christ au Mont des Oliviers : « Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation » ou encore « Ne nous laisse pas succomber à l’épreuve. » La route est difficile, tant de défis vont rendre le voyage presque impossible. C’est en toute connaissance de cause que l’évangéliste va faire l’éloge de Marie, mère de Jésus : « Bienheureux plus encore celle qui écoute la parole de Dieu et la met en pratique. ».
Quant à nous, la grâce de suivre Jésus passe, mais le projet nous dépasse. Jérusalem pour Jésus, c’est d’une part la fidélité à son peuple, les Juifs, mais non moins la perspective d’atteindre la limite de l’épreuve, la mort. C’est en condition humaine et sociale que nous devrons vivre notre foi chrétienne, « en plein monde, notre vaste paroisse.» Le courage de nos renoncements quotidiens pour demeurer dans la fidélité se vivra au su et vu de tous : « On n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais pour qu’elle éclaire. »
Et ce monde compte en ses rangs nombre de Samaritains, hommes et femmes regardés avec suspicion pour divers motifs. Si les uns nous repoussent, les autres nous séduisent. Ainsi tant des nôtres n’hésitent point à devenir transfuges, passer de la foi chrétienne à une philosophie bouddhiste ou pensée islamique. La séduction des sectes ne laisse personne indifférent. Ainsi, par exemple au Brésil, le Pentecôtisme multiplie prodigieusement ses adeptes. Le désir d’une sévère censure ou condamnation sans retour contre chacun devient imminent, et la chose apparemment la plus facile. Toute mise en garde devient jugement. Le Seigneur pourtant proclamait un jour : « Qui n’es pas contre moi est pour moi ».
Les défis rencontrés un jour par Jésus et sa troupe demeurent quotidiens et rendent la route difficile Une moindre remise en question, un quelconque infidélité, un engagement à la carte nous rendront vulnérables et pis encore, feront que la quête de sens des autres deviendra obstacle au travail de la grâce. Qui pourra entendre l’appel lancé : « Viens st suis-moi »
Grand défi !