Aime et fais ce que tu veux
Alors qu’il était en route avec ses disciples, Jésus entra dans un village. Une femme appelée Marthe le reçut dans sa maison. Elle avait une soeur nommée Marie qui, se tenant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. Marthe était accaparée par les multiples occupations du service. Elle intervint et dit : « Seigneur, cela ne te fait rien ? Ma soeur me laisse seule à faire le service. Dis-lui donc de m’aider. » Le Seigneur lui répondit : « Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part : elle ne lui sera pas enlevée. »
Commentaire :
Dans les années 60, l’évangéliste Marc entreprenait la rédaction de l’Évangile de Jésus Christ (Mc. 1.1). Quelques années plus tard, après de sérieuses recherches et informations, Luc, historien et disciple de Paul, l’apôtre des Gentils, ces non Juifs, entreprenait en Grèce sa catéchèse aux nouveaux convertis. Son projet est de bâtir une Église forte et ferme, capable de sortir du régime de la Loi juive pour vivre « libre sous celui de la grâce » (Rm.6.14). L’expérience qu’il a vécue à la suite de saint Paul lui a permis de voir qu’il est possible de réaliser le « Règne de Dieu tout proche », règne de justice, de paix, d’amour et de joie. Tous les éléments de son enseignement évangélique tenteront de former des disciples capables d’en vivre les exigences. C’est dans cet esprit qu’il importe de lire cette page d’évangile. C’est avec cette préoccupation qu’il importe de lire l’évangile de ce dimanche.
Deus sœurs au comportement opposés : l’une se veut la plus attentive des hôtesses, l’autre se fait toute à son hôte. « Elle a choisi la meilleure part », de remarquer Jésus. « Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. » Sans nul doute, l’évangéliste décrit en ces quelques termes deux auditoires, deux façons d’accueillir la Parole de Dieu. Les juifs, pour une part, demeurent inébranlablement contraints par les multiples exigences du judaïsme, ensemble de précisions toutes plus importantes les uns que les autres. Ils considèrent Dieu comme un Juge et la moindre négligence revêt une culpabilité à ses yeux. Marthe se faisait non un scrupule mais un point d’honneur que tout fut bien en place autant dans la cuisine que sur la table, ainsi personnifiait-elle d’une certaine façon le légalisme des Juifs, leur attachement à la Loi et ses quelques centaines de prescriptions.
Pour Marie, plus préoccupée de Jésus, de sa Parole et de sa présence, le reste semble bien secondaire. Paul venait prêcher la liberté chrétienne de la grâce. « Mon commandement », affirmait Jésus, c’est que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés ». Il avait au préalable parlé de commandements au pluriel (1 Jn. 2,3+) ; mais il ajoute aussitôt « Un commandement nouveau » (1 Jn.2.7 et 4,21) Marc avait certes les oreilles bourdonnantes de l’obsession de Paul : la loi et les prophètes se résument dans l’amour dont le Christ demeure l’archétype : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ».
En béatifiant ainsi l’attitude de Marie, Jésus ne condamne nullement l’empressement de Marthe, mais comme il voudrait la voir libre : libre de l’entendre, de le regarder, de s’enivrer de sa présence et de faire l’expérience d’une vie tout imprégnée de justice, d’amour, de paix et de joie. L’évangile ne consiste pas en un catalogue d’interdits ou de prescriptions, mais en une exhortation à l’amour. « Aime et fais ce que tu veux », enseignait saint Augustin.