Promesse accomplie
Si vous m’aimez, vous resterez fidèles à mes commandements. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : c’est l’Esprit de vérité. Le monde est incapable de le recevoir, parce qu’il ne le voit pas et ne le connaît pas ; mais vous, vous le connaissez, parce qu’il demeure auprès de vous, et qu’il est en vous. Je ne vous laisserai pas orphelins, je reviens vers vous. D’ici peu de temps, le monde ne me verra plus, mais vous, vous me verrez vivant, et vous vivrez aussi. En ce jour-là, vous reconnaîtrez que je suis en mon Père, que vous êtes en moi, et moi en vous. Celui qui a reçu mes commandements et y reste fidèle, c’est celui-là qui m’aime ; et celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; moi aussi je l’aimerai, et je me manifesterai à lui. » Jude lui demanda : « Seigneur, pour quelle raison vas-tu te manifester à nous, et non pas au monde ? » Jésus lui répondit : « Si quelqu’un m’aime, il restera fidèle à ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui. Celui qui ne m’aime pas ne restera pas fidèle à mes paroles. Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi : elle est du Père, qui m’a envoyé. Je vous dis tout cela pendant que je demeure encore avec vous ; mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit.
Commentaire :La Pentecôte n’est-elle que la manifestation de l’Esprit, troisième personne de la Trinité ? Ne serait-elle pas avant tout la naissance de l’Église, dépositaire de la Parole, mais davantage encore révélation de la présence de Dieu, Père, Fils et Esprit en chaque fidèle, au plus profond de notre être, dans une relation personnelle et immédiate ?
Profitant de l’expérience et de la réflexion de l’âge apostolique, Jean proclame en pleine clarté l’envoi de l’Esprit par le Père au nom du Fils. Cette présence des trois que l’envoi, la mission ne sépare point pour autant, bien que présence invisible au monde, constitue une habitation permanente au plus profond de la vie des croyants. Il ne s’agit point ici d’un phénomène charismatique, extraordinaire et passager. Dieu en trois personnes, Père, Fils et Esprit, vient chez les siens tel que promis : c’est là le sens plénier de la Pentecôte. Le Père était déjà visible dans sa création (Ps. 8 et 91), le Fils au cours de ses trois années terrestres, mais se manifeste maintenant l’Esprit. Les trois sont là, au cœur de chacun et pour toujours, mais dans la mesure de l’amour que nous entretenons les uns pour les autres.
Ce passage constitue la réponse donnée par Jésus aux questions de Thomas (Jn 14,5), Philippe (14,8) et Jude (14,22). En réponse à ces trois interlocuteurs, trois invitations à garder les commandements de Jésus (15,21,23) qui définissent trois modes de présence divine à ceux qui croient : celle du Paraclet (16-17), le retour invisible de Jésus (18-21) et la venue du Père et du Fils (22 –24), intimement liées et conditionnées avec le départ de Jésus (25-31). Mais encore faut-il aimer Dieu pour l’accueillir. Cette connaissance amoureuse de Dieu, connaissance expérimentale fonde la relation personnelle : « Celui qui aime connaît Dieu parce que Dieu est amour » (I Jn 4).
DEMEURE
Le terme « demeure » revient onze fois dans la première partie du chapitre 15e de Jean. L’expression ne doit pas être prise au sens spatial, elle définit une nouvelle relation d’être des disciples avec le Père, l’Esprit et Jésus. L’exemple du sarment avec le cep ( 15,1-18) illustre bien le sens et la portée de cette demeure. L’image définit une communion et une intimité de vie. Demeurer en Jésus, condition de demeurer avec le Père et l’Esprit, équivaut à demeurer dans sa parole. Cela comporte un engagement moral : le salut apporté par Jésus nous purifie par le moyen de la parole qui nous établit en communion avec le monde divin. L’amour, ce « nouveau lieu » où nous devons demeurer, milieu divin et sa source, l’amour divin qui nous est communiqué et doit devenir pour nous règle de vie. L’amour envers Jésus se concrétise dans l’observance des commandements, de « son commandement » et conditionne le don de l’Esprit.
Cette présence des Trois n’est pas une présence abstraite, mais une communion; de la part de Jésus cette présence est plus réelle encore, plus proche, plus intime, plus efficace qu’elle ne le fut tout au cours de son existence terrestre. Aussi, lorsque les disciples proclameront comme message tout au long des siècles : « Nous avons vu le Seigneur » (20,18,25; 14,19), cela deviendra le scandale, la pierre d’achoppement de l’expérience courante d’Église. Et bien que Jésus soit absent, il demeure présence avec le Père et l’Esprit, et par l’Esprit qui procède du Père et du Fils. La parole, le Souffle, source de Vie qui proclame le Verbe devient vie en chacun, présence du Fils, le Verbe de Dieu, et du Père, source de ce Verbe et de l’Esprit qui est cette Parole même. Jésus souhaitait une manifestation éclatante dont le monde ne pourrait plus détourner les yeux, mais comme Seigneur de gloire, il se laissera atteindre par un regard de foi et dans l’amour. « Qui aime connaît Dieu parce que Dieu est amour ?
Pourrions croire au terme de cette grande retraite pascale, ces quarante jours de jubilation et de contemplation du Ressuscité, que nous puissions en arriver à cette inhabitation de la Trinité en nous ? Elle sera prise de conscience de cet ineffable intimité à laquelle nous sommes promis dans la mesure de notre amour et de la venue de l’Esprit en nous, accomplissement de la promesse du Père et du Fils ?