Nous venons de vivre une semaine particulièrement tragique. Les attentats en Iraq ont été plus sanglants que jamais. Tous les jours, des kamikazes font sauter leurs bombes près des foules, jusques dans l’enceinte du parlement iraqien. Ces attentats pourraient devenir banals, mais leur violence se déploie de plus en plus. Ils ne cessent pas de nous déconcerter.
Cette semaine, nous avons surtout été bouleversés par la tuerie à l’Université Virginia Teck aux États-Unis. Un étudiant, profondément perturbé, a tiré sur d’autres étudiants et sur des professeurs. Il a entraîné dans la mort des jeunes pleins d’avenir et des maîtres aussi compétents qu’admirés.
En Iraq, aux États-Unis, comme ailleurs dans le monde, la violence et l’inimitié touchent directement des êtres humains. Et quand un être humain est blessé, c’est toute l’humanité qui souffre. Il y a entre nous – dans notre chair, dans notre coeur et dans notre esprit – une solidarité que les haines les plus monstrueuses ne parviendront jamais à extirper.
Nous ne sommes pas atteints directement par les balles des tireurs ou les bombes des extrémistes. Mais nous sommes blessés tout de même. La planète est violée et chacun de ses habitants est victime d’une certaine façon.
De plus, les auteurs des crimes sont des êtres humains comme nous. Nous ne voulons pas être des criminels. Mais nous devons reconnaître: si nous avions passé par les mêmes sentiers que les terroristes, si nous avions vécus des expériences semblables, développés des mentalités semblables, nous pourrions, nous aussi, commettre des actes tout aussi répréhensibles.
Ces événements malheureux surviennent en pleine période pascale. La liturgie peut être gênante. Nos alléluias sont à la limite de la politesse la plus élémentaire. Mais la foi dans le Christ ressuscité nous force à retourner au jardin du matin de Pâques. Elle nous entraîne sur les bords du lac de Tibériade où un mystérieux inconnu entretient un feu de braise.
Comme Simon-Pierre, Thomas et deux autres disciples, nous rentrons de la pêche après une nuit sans rien prendre. Il y a ici plus que de la déception. Nous sommes bouleversés. Nous avons honte. Nous sommes inquiets de l’avenir de la terre et du monde. Peut-être même avons-nous peur. Nous aurions aimé trouver dans nos filets de quoi nous guérir de nos blessures.
Nous rentrons bredouille. Mais l’inconnu sur le rivage nous dit: «Recommencez. Jetez de nouveau vos filets. Pas très loin, juste à droite de la barque. Vous trouverez.»
L’inconnu sur le rivage nous propose de recommencer sans cesse. Chaque geste monstrueux ne doit pas rester sans suite. Nous devons nous en guérir. Nous ne devons jamais cesser notre travail d’humanisation même si, parfois, nous avons l’impression que tout est gâché pour toujours.
L’inconnu sur le rivage est le plus éloquent témoignage pour nous en cette semaine tragique. Sa vie a été gâchée radicalement. Il est mort. Tout portait, en lui, la marque d’une fin définitive. Le voici sur le rivage d’un lac. Il entretient un feu. Il y fait cuire du poisson et du pain. Il mange. Il mange même les produits d’un filet qu’on a lancé de nouveau après une nuit de ratés.
Aujourd’hui comme depuis le matin de Pâques, le Ressuscité nous invite à ne pas baisser les bras, à ne pas nous décourager ni de nous-mêmes ni des autres. Le Ressuscité nous veut entêtés dans la confiance en l’avenir. Il nous veut à la pêche tant et aussi longtemps qu’il restera de la place dans le filet de l’humanité, tant qu’il restera des gestes à humaniser, des larmes à sécher, des blessures à panser, des coeurs à réchauffer.