Vendredi matin. Assis à ma table de travail, je m’apprête à griffonner le billet hebdomadaire pour spiritualite2000.com. De quoi parlerai-je aujourd’hui? De la prétendue découverte des ossements de Jésus? Pas le goût d’accorder de l’attention à la fumisterie. De la campagne électorale au Québec? Pas davantage d’intérêt pour les combats de gueules et les manquements à la plus élémentaire des charités.
Un seul sujet m’intéresse en ce premier vendredi du mois de mars: la tempête de neige. Elle a surgi durant la nuit. Ce matin, elle prend toute la place et risque de la garder toute la journée. On l’attendait depuis les premiers jours de l’hiver. La saison était trop chaude, pas assez bousculante. Elle arrive enfin, avant la Saint-Patrick et la Saint-Joseph où habituellement l’hiver fait ses dernières fredaines.
Elle est là, ce vendredi matin. Presque masculine comme beaucoup de femmes du nord, la tempête envahit le paysage. Elle «bourrasque», dirait mon grand-père. Énergique, elle a la respiration forte et rugueuse. Fascinante, elle envoûtera certains qui se risqueront sur les routes malgré le danger de se retrouver dans le fossé.
Qu’elle est belle, la tempête, surtout quand on la regarde par une fenêtre bien isolée. Elle étale ses charmes et vous donne envie de sauter dans ses bras. En même temps, elle vous fait peur. La commission scolaire de Montréal ne prend pas de chance: toutes les écoles sont fermées. Et il manquera du monde au travail un peu partout.
Quand la nature se laisse aller de cette façon, elle s’enveloppe de sacré: fascination et crainte. Mais est-ce suffisant pour faire un billet spirituel. Y a-t-il de l’évangélique dans une tempête de neige? J’en connais qui méprise l’hiver au point de préférer «démoniser» la saison. Pour eux, pas question de canoniser la sorcière. Pour d’autres, les amateurs de sports d’hiver par exemple, le paradis est à nos portes sans pour autant attribuer à la neige un statut divin.
La Bible est née dans un environnement estival. Les flocons de neige sont rares au Moyen-Orient. Et pourtant, le livre de Daniel fait chanter par trois enfants jetés dans une fournaise en flammes: «Et vous, le givre et la rosée, bénissez le Seigneur. Et vous, le gel et le froid, bénissez le Seigneur. Et vous, la glace et la neige, bénissez le Seigneur.» (Daniel 3, 68-70) Vous me direz qu’une telle prière est intéressée quand on se retrouve dans le feu. Mais quel croyant croit sans intérêt?
Personnellement, la poudrerie m’ensorcelle assez pour adresser une bénédiction à l’auteur de la création, lui qui «étale une toison de neige», et «sème une poussière de givre», qui «jette à poignée des glaçons» (Psaume 147). J’admets que les météorologues expliquent la tempête en mettant de l’avant d’autres données que celles de la foi. Je reconnais qu’ils ont bien raison. Je n’irai surtout pas à avancer que Dieu programme nos tempêtes comme un bon informaticien programme son ordinateur. Mais je crois que Dieu est le créateur de l’univers et que, d’une façon ou d’une autre, il a droit à notre reconnaissance pour les tempêtes de neige. N’en déplaise à ceux et celles qui trouvent la saison abominable ou qui seront embêtés aujourd’hui par le mauvais temps.
Pour les tempêtes de neige, surtout quand nous sommes à l’abri du froid et de l’intempérie, Dieu, tu as toute mon admiration. Mon admiration va aussi aux braves qui s’aventureront sur les routes et les trottoirs pour aider les automobilistes embourbés et déneiger les entrées des maisons.