Les Français sont des gens très sérieux. Et ils le sont particulièrement quand il est question de religion. Comme certains musulmans devant les caricatures de leur prophète, les Français montent aux barricades si on touche aux choses saintes. Un soudage le manifeste, qui vient de paraître dans le périodique Le Pèlerin. 79% de la France laïque trouve inacceptable qu’on «se moque publiquement de la religion». Le ton se durcit devant la question : «Peut-on critiquer les religions pour leur enseignement?» 62% répondent : «Non!» et 45% vont même jusqu’à dire qu’on peut aller en cour pour des insultes à l’endroit de la religion.
Je suis d’accord, mais jusqu’à un certain point. Dans la sagesse populaire qu’on m’a transmise depuis mon enfance, j’ai appris que je vaux bien une risette. On ne vaut pas grand-chose quand on ne mérite pas de faire rire de soi. Et ma grand-mère ajouterait avec tout le sérieux du monde : «Le Bon Dieu, lui aussi, vaut bien une risette!»
D’ailleurs, l’Éternel lui-même ne se gêne pas de temps à autre pour faire de l’humour. Il n’hésite pas à dérider ses créatures en les forçant à un grand éclat de rire. Il en va de leur santé!
Abraham en sait quelque chose. Stupéfait, il tomba en pleine face et se mit à rire quand Dieu lui annonça que Sara lui donnerait un fils. La vieille dame, à moitié chauve, s’esclaffa à son tour en montrant ses gencives dégarnies : «Toute usée comme je suis, pourrais-je encore jouir? Et mon maître est si vieux!» (Genèse 18, 12) L’enfant du rire s’appela Isaac, ce qui signifie : «Que Dieu rie, sourie, soit favorable». La nouvelle maman conclut, le sourire aux lèvres sans doute : «Dieu m’a donné sujet de rire» (Genèse 21, 6)! Comme elle avait l’humour prophétique, elle ajouta : «Quiconque l’apprendra rira à mon sujet».
Qohélet, qui n’a pas pourtant le rire facile, reconnut qu’il y a «un temps pour rire» (3, 4). Ce temps était arrivé quand les exilés rentrèrent à Sion après leur séjour forcé à Babylone : «Notre bouche était pleine de rires et notre langue criait sa joie» (Psaume126 (125), 2). Quant à Jésus, à qui on attribue à tort un regard sévère, il souhaita : «Heureux vous qui pleurez maintenant : vous rirez» (Luc 6, 21).
Le rire de Dieu nous incite donc à ne pas dramatiser outre-mesure. Rire, c’est révéler sa confiance en la présence joyeuse de Dieu. Rire, c’est manifester une espérance indéfectible en Dieu. Dieu n’est pas susceptible. Il entend à rire.
Si jamais Dieu se présente à vous déguisé en clown, n’allez pas lui faire affront en le dévisageant d’un regard mitrailleur. Après tout, le Bon Dieu vaut bien une risette… quand il n’y a pas de méchanceté dans la taquinerie!