Les mois d’hiver épuisent nos forces. Sous les latitudes (nordiques), c’est longtemps le froid, la rareté du soleil, la hauteur des neiges et des glaces. Nous vivons une double quarantaine qui nous vide de nous-mêmes et nous rend vulnérables à des virus malfaisants. À preuve les grippes et les malaises qui nous tiennent en arrêt. La routine nous emporte d’un jour à l’autre avec souvent nos pensées gelées et nos rêves un peu figés. Nous vivons dans l’équilibre précaire de l’attente d’autre chose.
Comme autrefois tout petits nous étions recroquevillés longuement le matin autour du vieux poêle ou du foyer, il nous arrive de nous tenir aujourd’hui blottis, frileux, autour de nos certitudes trop étroites. Nos maisons sont de glace au milieu des blancheurs uniformes. Alors que pèse sur nous le lourd manteau de nos pensées arrêtées et que l’ennui nous enveloppe d’une couverture sans couleur, sans vraie chaleur.
Dites-moi comment nous pouvons sortir de cette léthargie autrement qu’en laissant quelques doutes entrer dans la maison? Ces doutes, avec leur cortège d’interrogations, ils viennent pour une remise en question salutaire. Ils exigent de nous ouvrir sur autre chose. Ils produisent un dégel capable de dissoudre nos « immuables » vérités. Et c’est la chance d’un climat nouveau, d’une plus profonde clarté.
À Québec, le temps du Carnaval symbolise un peu cette joyeuse et heureuse remise en question. Plein de gens nous arrivent. Leur langage diffère du nôtre, leur émerveillement nous surprend. Tant de visiteurs soudain nous dérangent peut-être. Mais ils nous sortent d’un sommeil hivernal. Ils nous sollicitent pour un accueil, une compassion, une amitié. Ils nous pressent de les aimer.
Cherchons là ou ailleurs de quoi « réchauffer » notre hiver, et faisons advenir le printemps. Des temps nouveaux se préparent au coeur de toutes nos rencontres et de nos fêtes, de nos dialogues et de nos partages, de nos rêves et de nos pensées aventureuses. Nous célébrons déjà la nouvelle saison quand nos cœurs enfin se dilatent, quand nos esprits s’animent, quand une Parole nous appelle et nous invite, et nous révèle un Ailleurs. Vivement Pâques et la Pentecôte et l’explosion attendue de la joie, de la paix, de l’amour !
Jacques Marcotte, o.p.
St-Dominique de Québec