Maurice Zundel naît à Neuchâtel en Suisse. Il est ordonné prêtre en 1919. Suite à une décision injuste de ses supérieurs il est exilé à Rome, où il obtient un Doctorat en Théologie. Par la suite, il se voue à la prédication itinérante à Paris, Jérusalem et au Proche-Orient. Après son retour en Suisse, il exerce son ministère pastoral à Lausanne jusqu’à sa mort. Il est étonnant de constater à quel point la pensée de cet homme tellement humble (pratiquement inconnu de son vivant) continue de rayonner ; il est considéré à juste titre comme un géant de la spiritualité chrétienne.
L’Amour est une éternelle extase au berceau de la vie. Il s’est enchanté de tous les espoirs, il a connu tous les sanglots, il s’est meurtri de toutes les blessures, il a poussé jusqu’à la mort l’ivresse de la vie. Il s’est chanté de tous les espoirs, il a connu tous les sanglots, il s’est meurtri de toutes les blessures, il a poussé jusqu’à la mort l’ivresse de la vie. Il s’est approprié le langage de l’adoration : tellement il était sûr d’être aux prises avec l’Infini. Mais il est rare qu’il en ait reconnu la véritable nature. Comme l’art et comme la science, il a subi, le plus souvent, l’aimantation qui l’entraînait sans cesse au-delà, sans en discerner la source; et il a soumis l’homme à d’indicibles tortures, dont celui-ci était souvent lui-même, avec une aveugle frénésie, la victime et le bourreau (…)
Le mystique a sondé ces plaies avec un indicible respect et une magnanime compassion. Il a compris que l’élan magnifique devait retomber sur soi, ou trébucher sur une idole, que cette sortie triomphale ne pouvait qu’aboutir à la pire captivité, si l’extase ne rencontrait son objet véritable, si l’infini ne se révélait indubitablement comme un Autre: à qui tout l’être pût être réellement donné, avec toutes les exigences de sa vie intérieure, toute la richesse de ses désirs, et toute l’immensité de son coeur. Un Autre, mais qui fût de l’ordre de l’esprit, et tellement intérieur à l’âme que la personne acquît sa véritable autonomie en lui cédant et en s’y abandonnant comme à son vrai moi. Un Autre en nous, qui ne fût pas nous, et sur qui notre être moral pût être fondé, dans un altruisme qui consacrât son unit (…)
Le mystique… sait d’ailleurs que les blessures de l’âme sont aussi les points d’insertion de ses ailes… Il est ouvert à tous les êtres, et tous les gémissements de l’univers, toutes les recherches de l’esprit, tous les rêves de l’art, tous les émois et toutes les blessures de l’amour ont trouvé un refuge dans son coeur. Il entend toutes ces voix en leur résonnance intérieure, en leur «de profundis», en leur divine clameur; et les mots de la parabole lui deviennent mystérieusement lisibles comme le dénouement positif de toutes ces angoisses : «mon ami, monte plus haut» (Lc 14, 10) (…)
Il vous faut entrer encore plus avant dans vos recherches, vous identifier plus intérieurement avec l’objet qu’elles poursuivent, en vous effaçant davantage, en vous démettant plus profondément de vous-même, en écoutant avec plus d’humilité; car c’est dans la mesure où le moi est crucifié que «l’Autre» se fait jour en nous et que l’Infini, sur lequel tout être est ouvert, se laisse identifier comme une Présence spirituelle et comme une vie débordante. Vos bras doivent s’ouvrir pour offrir et non pour prendre, pour donner votre vie et non pour posséder celle d’autrui.
Et c’est là justement le secret de la Croix, qui est le berceau mystérieux d’un monde nouveau, l’arbre de vie miséricordieusement enraciné dans nos coeurs, dont la Sainte Liturgie évoque et réalise à tous les instants du jour, sur quelque point de la terre, l’inépuisable fécondité.