Mossoul, ville de l’Iraq sur la rive droite du Tigre, pas très loin de la Ninive de Jonas. Mossoul, ville longtemps chrétienne, conquise par les uns, perdue par les autres. Mossoul, ville où se trouve un couvent dominicain depuis1750, abritant la plus ancienne bibliothèque de la région. La communauté est dédiée à Notre-Dame-de-l’Heure, sans doute à cause de l’horloge qui marque le temps au clocher de l’église.
Mossoul, 1er novembre 2006, les frères se retrouvent à l’église en fin de journée. Ils chantent les Vêpres de la Toussaint. Soudain, un bruit infernal vient briser la psalmodie. Une bombe a sauté à la porterie du couvent. Personne n’était là à cette heure. Aucune victime. Heureusement! La prière se termine dans le bouleversement. Trente minutes plus tôt, trente minutes plus tard, c’eut été la fin pour l’un ou l’autre des Dominicains.
Aussitôt, les religieux s’empressent de colmater les brèches. Des voisins apportent leur aide. Les dégâts sont nombreux. Portes et fenêtres ont littéralement sautées.
À Mossoul, les hostilités deviennent particulièrement dangereuses. Dernièrement, un prêtre orthodoxe d’origine syrienne, le père Paulus Eskandar, a été décapité, tranché en morceaux. Le jour de la Toussaint, les terroristes ont distribué une cassette vidéo de l’assassinat. Toutes les églises chrétiennes de Mossoul et des environs en ont reçu une copie. On promet d’attaquer toutes les lieux chrétiens de Mossoul, de Bagdad et des villages chrétiens.
Que vont devenir les chrétiens de Mossoul, de Bagdad, de tout l’Iraq? Parmi eux, personne ne court au martyre Personne ne souhaite être obligé de vivre sa foi dangereusement. Personne ne souhaite risquer sa vie en allant à l’église, en participant à l’eucharistie ou en faisant baptiser son enfant.
Bien sûr, les chrétiens iraqiens savent, comme tous les autres, que le Christ est mort condamné, dans la torture du crucifiement. Bien sûr, le Seigneur les a invités, comme tous les autres, à prendre leur croix pour le suivre. Bien sûr, le disciple n’est pas plus grand que son maître. Le sort de celui-là peut ressembler au sort de celui-ci. Bien sûr. Mais les disciples ont aussi le droit de prier comme leur maître: «Abba Père, à toi tout est possible, écarte de moi cette coupe» (Marc 14, 36)! Le combat de la foi est déjà assez lourd à vivre sans qu’il soit nécessaire d’y ajouter les sévices de la haine humaine. Les doutes, les hésitations, les infidélités aux multiples visages entraînent déjà leur lot de blessures. Faut-il ajouter les persécutions?
La situation des chrétiens iraqiens nous rappelle que la foi peut être un risque. On peut y laisser sa peau. Jésus affirme: «Qui perd sa vie à cause de moi, l’assurera» (Matthieu 16, 25). Pour nos frères et nos soeurs de là-bas, cette parole est tranchante. Au bord du précipice, demande-t-elle d’ajouter un pas? Faut-il aller jusqu’au bout du pardon des offenses? Et l’amour des ennemis?…
Dans des corps humains, le Christ continue de lutter et de mourir pendant que l’espérance en la résurrection essaie de faire son nid dans la foi d’hommes et de femmes qui souffrent persécution. À des milliers de kilomètres de là, dans un contexte nettement plus heureux que le leur, je peux au moins offrir ma solidarité.