Serviteur par amour
Jésus les appelle et leur dit : « Vous le savez : ceux que l’on regarde comme chefs des nations païennes commandent en maîtres ; les grands leur font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur. Celui qui veut être le premier sera l’esclave de tous : car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. »
Commentaire :
Trois fois Jésus avait tenté de faire entendre à ses disciples qu.il marchait à la mort, trois fois il s’est buté à leur incompréhension : avant tout, celle de Pierre (8,32-33), puis celle des disciples qui discutent en chemin sur une question de préséance Aujourd’hui, même inintelligence de la part de Jacques et Jean. Loin de manifester quelque impatience, Jésus en profite pour rappeler aux siens qu’ils doivent, s’ils veulent le suivre, prendre à leur tour le même chemin qui les déconcerte tant.
« Vous ne savez pas ce que vous demandez ». Cousins du Seigneur, selon une vieille tradition, confidents des grands événements et témoins privilégiés chez Jaïre ( 5,37), à la transfiguration (9,2) puis à Gethsémani (14,33), ces « gars du tonnerre » , « Boanerges » ne voient en leur cousin Jésus qu’une réussite possible dont ils voudraient bien partager au titre du népotisme la célébrité. Pourtant, Jésus avait bel et bien précédemment précisé les relations nouvelles de la vraie parenté avec lui. (3,34-35) Les deux places réclamées sont déjà retenues : à droite et à gauche du crucifié, les deux brigands. (15.27). Pour accompagner Jésus dans son Royaume, il importe de passer avec lui par la croix. (8,34-35). Dans la suite du texte, cet accompagnement du Sauveur dans sa passion sera décrit par les images de la coupe et du baptême. La coupe désignait le sort réservé à un condamné à mort tel Jésus (14,36) ; quant au Baptême, il évoque l’idée d’une immersion dans la souffrance. (Rom. 6,3) Jésus avait déjà donné tel enseignement : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il renonce à lui-même, prenne sa croix et qu’il me suive » (8,24).
Devant pareil défi, les disciples n’ont qu’une réponse : « Nous le pouvons ». Généreuse inconscience dont Pierre lui-même fera preuve au soir de la Cène : « Même si tous t’abandonnent, moi, jamais » (14,29). Jésus ne va pas leur refuser ce qu’ils demandent inconsciemment ; il s’objecte tout simplement à être à leurs yeux un distributeur de rôles, un protecteur. L’initiative en revient à son Père.
Jésus selon Marc va profiter de l’incident pour servir une leçon à ses disciples, offrant du pouvoir politique une cruelle satire. Il convie donc les siens à un renversement des valeurs. Le plus grand sera le serviteur, Jésus leur en donnera l’exemple su soir de la Cène par l’action symbolique qu’il accomplit en leur lavant les pieds, également par toute son existence. (Jn.13.1-17)
Donner sa vie en rançon pour la multitude, tel est le prix que Jésus veut payer pour assurer à l’humanité sa délivrance : se donner tout entier. C’est dans le « Serviteur souffrant de Yahvé » (Is. 40-55) que se révèle la vraie grandeur dont le Christ nous donne l’exemple et qu’il nous propose. Plus question de pouvoir, de puissance, de prestige, mais au contraire de pauvreté, de service et d’humilité, en un mot d’amour.