Respect inconditionnel
Jean, l’un des Douze, disait à Jésus : « Maître, nous avons vu quelqu’un chasser des esprits mauvais en ton nom ; nous avons voulu l’en empêcher, car il n’est pas de ceux qui nous suivent. » Jésus répondit : « Ne l’empêchez pas, car celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ; celui qui n’est pas contre nous est pour nous. Et celui qui vous donnera un verre d’eau au nom de votre appartenance au Christ, amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense. Celui qui entraînera la chute d’un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’on le jette à la mer. Et si ta main t’entraîne au péché, coupe-la. Il vaut mieux entrer manchot dans la vie éternelle que d’être jeté avec tes deux mains dans la géhenne, là où le feu ne s’éteint pas. Si ton pied t’entraîne au péché, coupe-le. Il vaut mieux entrer estropié dans la vie éternelle que d’être jeté avec tes deux pieds dans la géhenne. Si ton oeil t’entraîne au péché, arrache-le. Il vaut mieux entrer borgne dans le royaume de Dieu que d’être jeté avec tes deux yeux dans la géhenne, là où le ver ne meurt pas et où le feu ne s’éteint pas.
Commentaire :
Nous sommes toujours témoins de l’entretien que J ;sus a avec ses disciples ( 9,33-50). Celui-ci s’ouvrait sur un débat concernant le plus grand (33-35) et l’accueil d’un de ces enfants (36-37). Que vient faire ici la déclaration de Jean (38 et les paroles de »Jésus. Il est bien difficile de saisir ici l’unité de pensée . Notre besoin de cohérence est mis à rude épreuve. Pourquoi chercher absolument un développement logique ou le compte rendu d’un entretien qui se serait déroulé tel quel. Ne s’agirait-il pas plutôt d’un procédé mnémotechnique regroupant des paroles prononcées par Jésus et retenues par la tradition, reliées tant bien que mal pour les besoins d’une catéchèse primitive.
Nous sommes donc témoins d’un entretien de Jésus avec les Douze. Il semble que le groupe est dans une maison à Capharnaüm, à l’écart de la foule. Il n’y a pas lieu d’ignorer ce contexte important pour l’évangéliste et les chrétiens de la primitive Église. Un péril menaçant pour la communauté semble sous jacent : la question de préséance entre disciples. Ce n’est pas thème unique de l’entretien, mais la question n’est pas sans conséquence. Les annonces de la Passion et l’incompréhension des disciples provoquent un enseignement de Jésus sur la communauté de destin qu’il veut établir entre lui et ses disciples .La deuxième annonce les avait trouvé sans intelligence et leur souci de préséance prouvait une fois encore leur inc apacitéd’entrer dans la vue de Dieu et provoque l’entretien que nous denons de lire.
La pratique de l’exorcisme était courante au temps de Jésus et de l’Église primitive.Des Juifs mêmes, particulièrement un exorciste étranger sans lien avec le groupe des disciples, avaient eu recours au nom de Jésus pour chasser les démons. (Ac. 19,13-16) des exorcistes juifs tentent à Éphèse mais sans succès d’utiliser le nom de Jésus contre les démons. Le réponse de Jésus à la question de Jean ne laisse aucun doute : s’ils chassent réellement les démons, en nom de Jésus, ils ne peuvent aussitôt après parler mal de lui. Mise en garde contre l’intolérance et la tentation de monopoliser la foi en Jésus. Paul va rappeler aux Corinthiens que les païens peuvent faire pareilles expériences, mais la confession de Jésus comme Seigneur est critère de l’action de l’Esprit (1.Co.12,1-13). La didache donnera le même enseignement : Il ne suffit pas d’avoir chassé les démons au nom de Jésus, prophétisé, etc, pour être reconnu par J ;sus au jour du jugement, il faut avoir fait la gvolonté du Père céleste (Didachè ;.11,8-12) C’est la confession de Jésus Christ qui constitue le critère de discernement entre vrais et faux prophètes (1 Jn. 4,1-3) La réponse de Jésus dénonce donc une fois encore l’étroitesse d’esprit des disciples et leur incapacité de comprendre. Contestation radicale sur les idées humaines de grandeur, de privilèges… La question demeure aujourd’hui : qui est et qui n’est pas disciple de Jésus.
Après considération sur la «compétition » en matière d’exorcisme, suit quelque considération sur la façon dont les disciples seront reçus. Par ses disciples, Jésus demeure présent au monde. Mais non moins primordiale s’avère la question de la conduite des disciple, leur influence qu’ils peuvent avoir les uns sur les autres. Ceux qui savent peuvent devenir occasion de chute pour les faibles. « En péchant contre vos frères, en blessant leur conscience qui est faible, c’est contre le Christ que vous péchez » (Paul, 1, Co. 8,7-13 ; 10,24-28 ; Rom. 14,1-23) La gravité du scandale s’explique par la dignité du croyant le plus effacé. La sévérité de Jésus dit assez le respect et la sollicitude qui lui sont dus. Aujourd’hui , ces petits que l’on néglige et courent le danger de se perdre ne sont pas tous à l’int ;rieur de nos communautés chrétiennes.
Ce scandale, tout homme peut en trouver l’occasion en soi et risquer ainsi de perdre sa vie. L’enjeu semble si grave qu’il justifierait le sacrifice d’une partie de soi. Rappelons ici la castration d’Abélard . Par ces exemples concrets, Jésus veut seulement souligner la valeur absolue de la vie et du Royaume de Dieu. Un passage d’Isaïe (66.22-24) inspire Jésus dans le châtiment réservé .
Cet entretien de Jésus avec ses disciples est orienté vers l’idéal d’une communauté où tous se respectent les uns les autres.