Il est arrivé vendredi dernier. L’automne s’est pointé sans bagage et presque sans bruit. Il n’a pas vraiment prévenu. Certains croyaient même qu’il était déjà là puisque l’été a pris, ces derniers temps, des allures automnales.
La nouvelle saison s’est donc installée. Elle a commencé à gruger les rayons de soleil. Un à un, car elle n’est pas pressée; elle en a pour trois mois à voyager dans nos cités. Les nuages se sont mis de la partie, la nuit précédente.
L’automne annonce son arrivée par un peu de pluie, du soleil plus ou moins chaud, un brise un peu rétive. Certains l’accueillent à bras ouverts.. Ils aiment les couleurs de feu que ces trois mois projettent quand l’année parvient à sa maturité. Ils adorent affronter le vent. Ils caressent fruits et légumes dont la nature les comble.
D’autres au regard pessimiste ne voient que des couleurs tristes, dépressives, distantes, peu ouvertes aux relations et aux échanges. Nous ne sommes qu’en septembre, mais j’en connais que quelques gouttes de pluie transportent déjà sur les derniers jours de novembre, à quelques pas de l’hiver. Il y en a comme cela qui vivent par anticipation. Comme les enfants et les marchands attendent le Père Noël au mois d’octobre, ces désespérés cauchemardisent aux orages et aux tempêtes de neige.
L’automne est pourtant chargé de promesses: celles qu’il est en train de réaliser comme celles qu’il annonce. Il nous invite à le vivre jour après jour. L’hiver, c’est plus tard. Même pas demain! Plus tard! Aujourd’hui, quelques gouttes de pluie laisseront place à des journées ensoleillées. Des petits matins frisquets viendront nous taquiner le bout du nez. Pour l’instant, la saison traverse une période «petite laine». L’étape des gros manteaux viendra plus tard. Faudrait pas passer à côté du doux plaisir des restants d’été égarés en automne. Faudrait pas manquer les odeurs de jardin qui déploient leurs générosités. Faudrait pas perdre de vue les paysages qui se transforment en kaléidoscope.
C’est beau l’automne. Il faut déguster la saison à petites gorgées. Le travail et les activités sociales nous maintiennent en mode jogging. Mais le boulot n’a pas tous les droits. Il doit en laisser à la nature. Il doit en laisser pour des admirations et des regards contemplatifs. L’automne nous supplie de ne pas l’oublier. Pour nous séduire, il drape ses paysages de teintes émouvantes. Pourquoi ne ferions-nous pas partie de ses conquêtes?
«Comme la lande est riche aux heures empourprées,
Quand les cadrans du ciel ont sonné les vesprées!
«Quels longs effeuillements d’angélus par les chênes!
Quels suaves appels des chapelles prochaines!»
(Émile NELLIGAN, Poésies complètes, Montréal, Fides, 1974, p. 101)