Je vais dire une énormité. Je vais être même irrévérencieux. En pleine guerre contre le terrorisme, je ne puis m’empêcher de reconnaître dans la bouche de Jésus quelque chose qui ressemble aux propos fanatiques des terroristes. «Je suis venu apporter le feu sur la terre… Pensez-vous que je sois venu apporter la paix dans le monde? Non, je vous le dis, mais plutôt la division…» (Luc 12, 49.51)
Les jongleurs jouent avec le feu. Ils lancent leurs torches dans les airs. Ils décrivent de belles arabesques, mais un faux mouvement et ils se brûlent. Le feu peut éclairer, réchauffer, mais il peut blesser aussi.
Le radicalisme de Jésus et les fanatismes sont proches parents. Mais il y a entre eux une grande différence. Une différence radicale, c’est le cas de le dire. Le fanatique se croit le seul à pouvoir changer les choses. Il s’en remet à sa puissance personnelle. Il veut maîtriser la situation, contrôler. De temps à autre, les médias diffusent des messages de terroristes. Le ton est violent. Les mots sont durs. Violence et dureté qu’on retrouve chez ceux qui n’attendent que d’eux-mêmes. Ils ne comptent que sur leurs propres forces. Même quand ils brandissent le nom d’Allah.
Dans son radicalisme, Jésus est différent. Il s’en remet à Dieu. Sa passion est celle de l’amour. Et l’amour chez Dieu l’amène à vaincre la mort. Dans l’histoire de l’Église, que de récits de saints nous les montrent radicaux. Mais leur radicalisme est une sorte d’abandon à Dieu. Les saints veulent radicalement ce que Dieu veut. Et ils s’en remettent à lui. Ils croient que Dieu agit au sein de l’humanité. Ils croient que Dieu intervient et réalise lui-même ce qu’il veut.
Chose inouïe que la présence de Dieu parmi nous. Une nouveauté radicale que la communion de Dieu qui devient l’un de nous, pauvre parmi les pauvres. Un geste de Dieu inespéré que la résurrection d’entre les morts. Avec Jésus, le monde bascule dans une telle nouveauté qu’il n’est pas surprenant que certains ne puissent reconnaître cette nouveauté. C’est là que la division survient. Nous nous divisons entre croyants et non croyants.
Le geste de Dieu, geste de paix par excellence, divise en même temps qu’il fait naître une unité nouvelle. La paix qui départage les disciples et ceux qui ne veulent pas l’être est en même temps celle qui fait germer une fraternité enracinée dans l’amour de Dieu.
La foi est un feu. Elle pourrait être un fanatisme, mais, enracinée en Dieu, elle ne peut être que la passion de l’amour. Elle pourrait emprisonner dans la révolte. Elle greffe plutôt sur une justice nouvelle. Elle met au service de la liberté que nous trouvons dans le geste libérateur de Dieu qui maîtrise la mort et laisse éclater la vie.
Les fanatismes sont dangereux d’autant plus que ceux qui s’y adonnent n’ont aucun espoir que les choses qu’ils veulent changer puissent changer sans leur intervention. Ils n’ont pas confiance aux possibilités de la vie.
Le Christ et ses disciples à sa suite croient en Dieu, en son action dans le monde. Ils consentent à la patience. Ils savent que Dieu finira par réussir le bonheur de l’humanité.
Denis Gagnon, o.p.