Les vendanges
Moi, je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron. Tout sarment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l’enlève ; tout sarment qui donne du fruit, il le nettoie, pour qu’il en donne davantage. Mais vous, déjà vous voici nets et purifiés grâce à la parole que je vous ai dite : Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut pas porter du fruit par lui-même s’il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi. Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là donne beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est comme un sarment qu’on a jeté dehors, et qui se dessèche. Les sarments secs, on les ramasse, on les jette au feu, et ils brûlent. Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voudrez, et vous l’obtiendrez. Ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous donniez beaucoup de fruit : ainsi, vous serez pour moi des disciples.
Commentaire :
Le théologien protestant Karl Barth disait : « Comment est-il possible de prêcher quand on a d’un côté le journal et de l’autre le Nouveau Testament ? » Comment dire Dieu aujourd’hui sur une terre où la vigne produit de si bons vins, là ou la vigne est inexistante ? Un arrière fond historique est à rappeler pour comprendre la portée des paroles de Jésus, extrait de son discours après la Cène.
Un jour, Jésus, accompagné des siens, traversa un vignoble palestinien. Le souvenir lui revint au soir de la Cène, au moment de présenter la coupe à ses disciples. Cette parabole du vigneron, du cep et de la vigne a une tonalité profondément eucharistique. En se proclamant vraie vigne, Jésus renvoie à la longue histoire d’un symbolisme qui a traversé toute la Révélation. Dans l’ancien Testament, le symbolisme de la vigne était fréquemment choisi pour évoquer le Peuple de Dieu, malheureux, désespéré ou comblé. « Il était une vigne, raconte le psalmiste, tu l’arraches d’Égypte. Pourquoi as-tu rompu ses clôtures et tout passant du chemin la grappille, le sanglier des forêts la ravage et la bête des champs la broute ? » (Ps. 80) Le prophète Isaïe devait improviser sur le sujet le plus harmonieux des chants : « Que chante à mon ami le chant d’amour pour sa vigne. Mon ami avait une vigne sur un coteau fertile. Il la bêcha, l’épierra, il y planta du muscat. Et maintenant, gens de Jérusalem, soyez juges entre ma vigne et moi. Que pouvais-je encore faire pour ma vigne que je n’aie fait ?» (Ise.5,1-7)
Au soir de la Cène, Jésus déclare à ses disciples : « Je suis la vraie vigne ». Jusque là, seul le peuple de Dieu était considéré comme la vigne du Seigneur ; en cette soirée, Jésus revendique le titre : « Je suis la vraie vigne ». On pourrait dénoncer ici une certaine prétention. Je suis, affirmait Jésus en diverses occasions : je suis la vraie vigne, je suis le bon pasteur, je suis le pain de vie. « Je suis la vraie vigne ». Sorti de Nazareth, village obscur – de Nazareth, peut-il sortir quelque chose de bon ? » demande Nathanaël (Jn.1, 46) – cet homme de basse condition, ose se prétendre « Peuple d’Israël », et appliquer à sa personne le rôle de son Peuple. Germe de vie d’un peuple nouveau, Jésus le porte en lui comme le cep porte les sarments.
Toutes ses attentions sont pour sa vigne et elle portera du fruit. « De même que le sarment ne peut de lui-même porter du fruit, s’il ne demeure pas sur la vigne, ainsi vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi. ». La plainte du prophète sied bien sur les lèvres de Jésus : « J’en espérais du raisin. Pourquoi seulement du verjus ? » (Is.5.5) Pour parer à cette menace, Jésus ajoute : « Demeurez en moi comme moi en vous. Celui qui demeure en moi et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit. » (Jn. 15,4-5) « Mon Père est le vigneron ». Dans toute la Bible, le vigneron d’Israël était Dieu. L’mage était traditionnelle employée pour traduire l’amour de Dieu pour son peuple. Il taille la vigne, il l’émonde pour qu’elle porte du fruit, pour concentrer la sève…. Une vigne qui n’est pas taillée finit par ne plus donner que des feuilles. Quand on taille la vigne, elle « pleure». Une sève abondante s’écoule
Demeurer en Jésus, quel sens donner à l’expression, utilisée à maintes reprises dans le discours du Maître ? « Seigneur, où demeures-tu ?» questionnaient les premiers disciples (Jn.1,38) N’allons pas en rester ai niveau physique, il s’agit bien davantage qu’un lieu de séjour. À mots couverts mais combien évocateurs et compréhensibles, Jésus parle d’une intimité, d’une relation étroite, d’une communion avec le Père et le Fils comme l’un et l’autre peuvent être unis : « Celui qui fait ma volonté demeure en moi comme moi je demeure dans le Père » (Jn. 14) Mais vous, vous êtes déjà purifiés grâce à la parole que je vous ai dite. Le croyant n’a pas à subir la taille; celui qui écoute la parole de Jésus découvre la fécondité de cette parole qui purifie et émonde si on la vit.
De « Pinot noir » de cette qualité, on en trouvera rarement. Vendange incomparable.