De vrais pasteurs
Je suis le bon pasteur, le vrai berger. Le vrai berger donne sa vie pour ses brebis. Le berger mercenaire, lui, n’est pas le pasteur, car les brebis ne lui appartiennent pas : s’il voit venir le loup, il abandonne les brebis et s’enfuit ; le loup s’en empare et les disperse. Ce berger n’est qu’un mercenaire, et les brebis ne comptent pas vraiment pour lui. Moi, je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît, et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis. J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cette bergerie : celles-là aussi, il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul pasteur. Le Père m’aime parce que je donne ma vie pour la reprendre ensuite. Personne n’a pu me l’enlever : je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner, et le pouvoir de la reprendre : voilà le commandement que j’ai reçu de mon Père. »
Commentaire :
Nous sommes au terme de la vie publique de Jésus. Les Juifs tentent d’en finir avec lui. Leur polémique dure depuis assez longtemps. Devant l’inintelligence des auditeurs, Jésus donne une explication qui tient de l’allégorie, c’est-à-dire que le terme brebis a un sens, le pasteur, un sens, etc… Il ne s’agit pas du texte en son ensemble comme si nous étions devant une parabole. Un exemple : on a transfiguré la parabole du semeur (Mt.13) en allégorie, donnant une interprétation à chacun des terrains. Vraisemblablement, ce discours sur le bon pasteur, l’apôtre Jean l’aurait rédigé lui-même. Insérant une question au beau milieu de l’explication de la parabole, l’évangéliste souligne le sens du discours. Le Bon Pasteur est le Messie et l’attitude des brebis, celle de croyants.
On peut diviser la section proclamée ce dimanche en deux parties. L’une et l’autre débutent toutes deux par « Je suis le bon Pasteur ». La conclusion témoigne de l’engagement sans mesure du Pasteur à l’égard de ses brebis (17-18). Rappelons avant tout que le thème du pasteur était l’un des préférés chez les prophètes (Ez. 34, Ps. 23 ; Jr. 23-1-6 ; Za, 11,4-17). L’histoire du Peuple de Dieu avait commencé avec le sacre de David, jeune berger, comme roi d’Israël (1 S. 16). Et lorsque Jésus fera son entrée solennelle à Jérusalem, la foule le saluera avec le titre de « Fils de David » (Mt. 21.9).
Le psaume 23 donne vraiment l’esprit du discours : « «Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien. Sur des prés d’herbe fraîche il me mène. Passerai-je un ravin de ténèbre, je ne crains aucun mal car tu es près de moi. Ton bâton, ta houlette sont là qui me consolent. » Le prophète Ezéchiel, précédemment, avait fulminé contre les pasteurs qui se paissent eux-mêmes au lieu de paître le troupeau. « Je susciterai pour mettre à leur tête un pasteur qui les fera paître, mon serviteur David : c’est lui qui les fera paître et sera pour eux un pasteur. » (Ex.34, 1 et 23).Et le prophète Jérémie à son tour de tempêter : « Malheur aux pasteurs qui perdent et dispersent les brebis de mon pâturage…Eh bien ! Moi, je vais m’occuper de vous pour vos méfaits » (Jr. 23,1-2) Zacharie tenait un même langage : « Malheur au pasteur inexistant qui délaisse son troupeau ! Que l’épée s’attaque à son bras et à son œil droit ! Que son bras soit tout desséché, que son œil droit soit aveuglé. » (Za. 11,17)
Dans l’épisode rappelé ici, dont l’apôtre Jean rend un témoignage personnel, Jésus s’en prend aux Chefs des prêtres et aux Scribes. Jésus mettra ses disciples en garde contre le levain des Pharisien hypocrites, assis dans la chaire de Moïse (Mt. 23,2) qui n’avaient cessé de le contester depuis les débuts de sa vie publique et missionnaire. Il suffit de remémorer ici quelques passages de l’évangéliste (Jn. 7.48 ; 8.13 ; 9,16). Jésus les avait préalablement confondus lors de son petit laïus sur la prière : « Un publicain et un Pharisien au temple montèrent au Temple pour prier » ((Lc.18.10). Ne les a-t-il pas apostrophé un jour : l’extérieur de la coupe et du plat vous le purifiez, alors que votre intérieur est plein de rapines et de méchancetés. » (Lc. 11.39) Ils étaient pourtant les responsables du peuple, les maîtres à pensée. Parmi eux se sont trouvés quelques temps deux personnages des marque : Nicodème (Jn.3.1) et Paul lui-même (Phil 3,5), l’apôtre des nations.
Des traits précis identifient ici le vrai berger : le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis qu’il connaît et appelle par leur nom; il ne cesse de courir après la brebis perdue et celle qui ne fait pas encore partie de la bergerie. Il est aimé du Père parce qu’il donne sa vie pour la cause.
Qui plus que Jésus, parlera avec plus d’a propos de l’amour du pasteur, folie divine : père de l’enfant prodigue qui court au devant de son Fils, l’homme crucifié qui pardonne au bon larron et demande pardon pour tous ses bourreaux. Il a promis à son Église d’être avec elle tous les jours jusqu’à la fin des temps. Le Pasteur ne quitte jamais le troupeau. Les bergers ont peut-être tous les crimes sur la conscience, Pierre et tous les autres, mais c’est avec eux et par eux qu’il conduit le troupeau vers de verts pâturages et des eaux vives.
Des pasteurs réhabilités par l’amour.