Je crois en l’Église
Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. C’était à Cana en Galilée. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui. Après cela, il descendit à Capharnaüm avec sa mère, ses frères et ses disciples, et ils y restèrent quelques jours. Comme la Pâque des Juifs approchait, Jésus monta à Jérusalem. Il trouva installés dans le Temple les marchands de boeufs, de brebis et de colombes, et les changeurs. Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple ainsi que leurs brebis et leurs boeufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs, et dit aux marchands de colombes : « Enlevez cela d’ici. Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic. » Ses disciples se rappelèrent cette parole de l’Écriture : L’amour de ta maison fera mon tourment. Les Juifs l’interpellèrent : « Quel signe peux-tu nous donner pour justifier ce que tu fais là ? » Jésus leur répondit : « Détruisez ce Temple, et en trois jours je le relèverai. » Les Juifs lui répliquèrent : « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce Temple, et toi, en trois jours tu le relèverais ! » Mais le Temple dont il parlait, c’était son corps. Aussi, quand il ressuscita d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela ; ils crurent aux prophéties de l’Écriture et à la parole que Jésus avait dite. Pendant qu’il était à Jérusalem pour la fête de la Pâque, beaucoup crurent en lui, à la vue des signes qu’il accomplissait. Mais Jésus n’avait pas confiance en eux, parce qu’il les connaissait tous et n’avait besoin d’aucun témoignage sur l’homme : il connaissait par lui-même ce qu’il y a dans l’homme.
Commentaire :
Que ferait Jésus s’il revenait prendre place dans nos églises, assister à nos liturgies, sonder nos cœurs et nos esprits ? Il demeure que, depuis Vatican II, le culte s’est un peu désincarné. La plupart de signes et symboles liturgiques se sont évanouis : statues, signes de deuil, chants sacrés, processions ou manifestations extérieures. En certains lieux, Jésus n’a même plus sa place, on ne sait où « camper » le lieu de la sainte réserve, le tabernacle. Et paradoxalement, cette liturgie des nos ancêtres apparemment dépassée a fait place à des ensembles qui parlent davantage aux sens qu’à l’esprit, une liturgie « charnelle » pour reprendre l’expression du père Besnard, o.p., chargée de pratique plus sociale que ecclésiale, plus locale qu’universelle. Prenons à témoin non seulement la lamentable simplicité de nos chants supposément sacrés, mais encore la diversité de nos prières eucharistiques que beaucoup de présidents d’assemblée improvisent à leur fantaisie, nos célébrations funéraires et matrimoniales plus chargées d’émotions que de foi, teintées de souvenirs que d’éternité. Quelle place fait-on à l’évocation du mystère de l’Incarnation du Christ et de sa Parole, de sa mort et de sa résurrection ? Où se trouve la vérité du Christ fait chair ? Assurément, y avait-il en cette restauration conciliaire de nos liturgies une protestation contre une religion trop pure et vraiment complexe, le culte du mystère incompris de l’ensemble des croyants.
Le récit de la « Purification du Temple » n’a-t-il pas l’heur d’évoquer ici une nécessaire purification de nos rites non seulement passés, mais non moins actuels ? Personne ne contredira qu’il importe d’aller à Dieu avec tout ce que nous sommes, nos sens comme notre esprit, notre âme et notre cœur. L’idée de restauration du Temple était déjà dans l’air, les prophètes l’avaient souhaitée. Il suffira de relire ici quelques évocations (Is. 2+3 ; Mi, 4,1-3 ; Jr. 3,17 et Daniel 40-48) : on souhaitait alors que le Temple devienne « maison de prière pour tous les peuples » (Is.56.7) et de pèlerinage universel (Is.60,4-7).
Jésus chasse donc du temple bœufs et brebis, colombes et changeurs. Ces derniers n’étaient pas là d’abord pour la vente des bêtes nécessaires aux sacrifices, mais bien pour faire le change, troquer la monnaie qui portait l’effigie de l’empereur et des drachmes antiques contre la monnaie légale. Les changeurs y trouvaient ainsi leur compte. Jésus met donc tout ce « beau » monde dehors. « Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de commerce ». Une âpre discussion s’engage à la suite de ce geste spectaculaire de Jésus et lui permet d’exprimer une conversion plus radicale encore. « Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai ». Jésus parle de réédification d’un nouveau Temple inédit, non de la destruction du l’actuel. Les Juifs pieux attendaient ce nouveau Temple (Ag.1,12-14 ; 2,3-5 et 10 ; Ne. 3,12), qui ne serait pas fait de main d’homme (Mc. 14,58 ; He. 9,25) Par cette parole mystérieuse sur la réédification du Temple, Jésus s’arroge la dignité de Messie, Fils de Dieu. Voilà ce qui fait obstacle et scandale.
Les Juifs ne comprirent pas, et pas davantage les Apôtres. Ce n’est qu’après Pâques qu’ils saisirent la portée du signe et de la parole (2,22). La purification du temple ne pourra être interprétée qu’à la lumière des prophètes (Za. 14,21 et Ps.29). Le corps de Jésus ressuscité deviendra ce nouveau Temple vers lequel se dirigeront tous les peuples : centre du culte en esprit et en vérité (4,21-22) et lieu de présence de Dieu au milieu des hommes (1,14), temple spirituel, source d’eau vive ( 7,37-39, 10,34) Son corps sera la tête d’un tout nouveau corps, son corps mystique, l’Église.
Le signe du Temple est un des signes majeurs du Nouveau Testament. Paul l’utilise à propos de l’Église (Ep. 2, 19-21) et pour chaque chrétien ( 1.Co. 3,16 ; 6,19) Nouvelle communauté universelle de tous les fils et filles de Dieu, pierres vivantes qui forment l’Église. Comprendre et accepter ce signe que la résurrection permet de réaliser, c’est croire.