Autrefois, les rôles sexuels étaient définis de manière bien nette dans la société et réglaient la vie des couples et des familles. Il n’en est plus de même aujourd’hui. Beaucoup de femmes travaillent à l’extérieur du foyer et un nombre croissant d’hommes s’impliquent dans les tâches ménagères, la cuisine, les soins donnés aux enfants. Les tâches ne se répartissent plus automatiquement en fonction des sexes. Elles font donc l’objet d’un partage que chaque couple doit établir à partir de ses besoins et de ses conditions de vie bien. Le partage des tâches devient ainsi l’occasion de discussions et de négociations entre conjoints, qui aboutissent parfois à un entente ou dégénèrent en conflits. Mais quel lien établir entre le partage des tâches et la spiritualité conjugale?
J’oserais affirmer que le partage des tâches constitue un important lieu d’interpellation à la croissance spirituelle pour les conjoints. S’ils consentent à s’y rendre attentifs, l’Esprit Saint leur donne rendez-vous à travers les détails les plus terre à terre de la quotidienne, d’une multitude de manières différentes.
Commençons par le versant souriant et positif du partage des tâches. L’accomplissement des besognes domestiques peut être l’occasion d’admirer les talents de son compagnon ou de sa compagne de vie, ses habiletés, son inventivité, sa patience. Lorsqu’on parvient à bien communiquer et à se répartir l’ouvrage d’une manière satisfaisante pour les deux, le partage des tâches devient occasion de communion : c’est un espace accueillant et personnalisé que l’on crée ensemble, un milieu où les amoureux peuvent se retrouver et se sentir bien, seuls ou avec leur famille. Dans tous ces cas, pourquoi ne pas rendre grâce pour les qualités que l’on apprécie chez son conjoint ou sa conjointe, pour cette collaboration fructueuse et les fruits qui en découlent? Dans un tel contexte, les amoureux peuvent reconnaître et accueillir l’autre comme un don de Dieu au cœur de l’humble quotidien. Dans leur amour souffle un Esprit de paix, de partage, d’accueil et de communion.
Mais le partage des tâches se révèle plus ascétique et ardu pour d’autres couples. Il peut constituer l’objet d’un conflit larvé ou explicite entre les conjoints. Il s’agit alors d’une expérience commune de leurs limites, de leurs blessures, de leurs difficultés personnelles, qui se répercutent à travers un problème de communication et une répartition insatisfaisante du travail domestique. Dans cette situation, chaque conjoint est interpellé à effectuer un retour sur soi qui ne tient pas que de la thérapie psychologique. Il s’agit de s’ouvrir à un dépassement proprement spirituel. En effet, comment l’Esprit d’amour, l’Esprit du Christ, peut-il m’inspirer d’apprendre à mieux aimer la personne qui partage ma vie à même les détails du quotidien? Serais-je interpellé(e) à plus d’écoute et de disponibilité intérieure? Ou à m’affirmer avec le courage de la vérité? Serais-je appelé(e) à discerner l’essentiel pour mieux lâcher prise sur ce qui est secondaire? À laisser à l’autre plus de place ou au contraire de me commettre davantage? À prendre charge, par amour, d’une tâche qui me déplaît? Dans la relation conjugale souffle alors un Esprit de compassion, de vérité, de discernement et de générosité.