Quand nous lisons la fable du Corbeau et du Renard de Jean de la Fontaine, personne ne croit que, dans la réalité, les deux bêtes puissent parler ni qu’elles aient nécessairement un faible pour le fromage. Au-delà de la conversation entre elles, nous nous intéressons à la réflexion que la fabuliste a voulu nous communiquer.
Ainsi en est-il des récits bibliques qui nous renvoient aux origines de l’humanité. À la lecture des récits de création au livre de la Genèse, personne ne devrait penser se trouver devant une description matérielle de la création du premier homme et de la première femme, ni croire qu’ils s’appelaient Adam et Ève plutôt que Jean-Pierre et Catherine. Sur quoi l’auteur du récit veut-il alors attirer notre attention?
Adam, en hébreu, pourrait se traduire en français par «les gens», «l’être humain» en général, et même le «on» très impersonnel. C’est un nom générique à prendre dans un sens collectif. Le récit parle donc de la création de l’humanité.
Cet être ressemble à Dieu. «Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa; mâle et femelle il les créa.» (Genèse 1, 27) Lisons bien: le Dieu unique a pour image terrestre deux êtres: l’homme et la femme dans la relation qu’ils établissent l’un avec l’autre, une relation de fécondité sexuelle. En regardant le couple humain, nous pouvons penser à Dieu qui n’est pas replié sur lui-même mais plutôt ouvert à la relation, une relation riche de ses différences comme celles qui existent entre l’homme et la femme. La différence sexuelle rappelle Dieu; elle annonce sa fécondité. Dieu bénit son image: «Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et dominez-la.» (Genèse 1, 28) Dans sa fécondité, la sexualité est sainte; elle parle de Dieu.
Selon le deuxième récit de la création, la création de la femme est déclenchée par une affirmation de Dieu: «Il n’est pas bon pour l’homme d’être seul.» (Genèse 2, 18) Autrement dit: l’être humain est avant tout un être sociable; il est fait pour la communauté. Et Dieu de proposer comme vis-à-vis la femme. Pas une nouvelle espèce d’être, mais quelqu’un qui est fait des mêmes os, de la même chair, un autre lui-même pour l’homme. Toutefois, la femme possède son identité propre, sa personnalité, sa différence. La femme n’est pas un clone de l’homme. Jusque-là, on appelait l’homme Adam: «on», «les gens», «l’être humain». Le récit ne lui donnait pas de sexe. Quand la femme apparaît, l’homme est reconnu comme mâle. En hébreu, la femme sera nommée ishsha, la femelle, et l’homme, l’Adam devient ish, le mâle.
Le rédacteur sacré conclut son récit: «Aussi l’homme laisse-t-il son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et ils deviennent une seule chair.» (Genèse 2, 24). À l’origine, mêmes os, même chair, ces deux êtres différents dans leur sexe et dans leur identité personnelle, prennent la route ensemble dans l’espérance d’atteindre la communion, devenir «une seule chair». Le lien qui unit l’homme et la femme peut être si fort qu’il dépasse même le lien qui unit les enfants à leurs parents!
Le récit laisse entendre que le sommet des relations en société est profondément marqué par la sexualité. Le couple devient la cellule de base de la vie en société, des relations humaines, de la vie communautaire. Comme le couple, l’ensemble de la société est appelé à des relations à la fois différenciées et orientées vers la fraternité et la communion.
La sexualité humaine appelle donc l’homme et la femme au mariage comme un lieu sommet de réalisation de soi et de bonheur. La sexualité humaine vécue par le couple trace un chemin de la solitude à la communion. Elle participe à la construction d’une société harmonieuse. Finalement, la sexualité humaine révèle Dieu dans sa fécondité et son ouverture amoureuse à sa création. Elle est rencontre de Dieu.
Denis Gagnon, o.p.