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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

4e Dimanche du temps ordinaire. Année B.

Imprimer Par Jacques Sylvestre

Apprenti-sorcier

Jésus, accompagné de ses disciples, arrive à Capharnaüm. Aussitôt, le jour du sabbat, il se rendit à la synagogue, et là, il enseignait. On était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes. Or, il y avait dans leur synagogue un homme tourmenté par un esprit mauvais, qui se mit à crier : « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais fort bien qui tu es : le Saint, le Saint de Dieu. » Jésus l’interpella vivement : « Silence ! Sors de cet homme. » L’esprit mauvais le secoua avec violence et sortit de lui en poussant un grand cri. Saisis de frayeur, tous s’interrogeaient : « Qu’est-ce que cela veut dire ? Voilà un enseignement nouveau, proclamé avec autorité ! Il commande même aux esprits mauvais, et ils lui obéissent. » Dès lors, sa renommée se répandit dans toute la région de la Galilée.

Commentaire :

S’agit-il d’un simple exorcisme ? Il en est souvent fait mention dans l’Ancien Testament, comme d’un fait divers, simple reportage ? Quelle différence entre cette narration de l’événement et les exorcismes des chapitres 5e et 9e, mieux connus, plus élaborés et pleins d’intensité. Ici, tout est sobriété et concision. On se croirait devant un exorcisme à l’état pur, dépouillé de tout anecdotes. Mais d’autre part, quelle similitude avec le miracle de la tempête apaisée (4, 37-41) apparemment traité comme une sorte d’exorcisme. La présence de Jésus semble déchaîner des forces mauvaises et la provocation pour finalement aboutir à la victoire que les témoins constatent avec saisissement.

Pour bien comprendre la portée de ce premier miracle de Jésus – Marc en cette première partie de son évangile (1-11) en rapporte 15 sur les 18 qu’il raconte – il importe de se rappeler le début de l’évangile : « Commencement de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ. » et la suite (14+). Jésus vint en Galilée proclamant l’Évangile de Dieu : « Les temps sont accomplis et le Royaume de Dieu est tout proche ». Il appelle alors quatre de ses disciples et pénètre à Capharnaüm. Dans la synagogue, « tous étaient frappés par son enseignement, car il enseignait comme ayant autorité et non comme les scribes » (21-22). Suit alors la guérison du démoniaque.

Jésus enseigne avec autorité. Dans l’évangile de Marc, que nous pouvons considérer comme un « coutumier pour la formation des disciples », cet « enseignement avec autorité » doit être considéré comme une démonstration de puissance de la part de Jésus, premier responsable de l’établissement de ce Règne. Tel est la portée du terme miracle en Marc, un acte de puissance. Jésus commande avec autorité à tout ce qui pourrait s’opposer à ce Règne : le démon, le mal, l’excommunication dans le cas du lépreux, le vent et la mer, symboles des agitations subies par l’Église au cours des siècles… Jésus vient établir un royaume de justice, d’amour et de paix. Il lui incombe donc de bannir de ce monde toute opposition à ce Règne, et les puissances de l’enfer ne sont pas des moindres.

Comme le récit le laisse supposer, voire même en fait mention, c’est une déclaration de guerre entre Jésus et le diable : « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es : le Saint de Dieu ». Alors Jésus, craignant une indiscrétion néfaste sur son identité, le menaça : « Tais-toi et sors de lui ». L’esprit impur secoua violemment l’homme, cria d’une voix forte et sortit. « Qu’.est-ce que cela, se demande-t-on ? Un enseignement nouveau donné d’autorité. Même aux esprit impurs, il commande et ils lui obéissent ». Nous ne sommes pas témoin ici d’une démarche de foi. Quel est l’objectif de ce récit et pourquoi Marc la rapporte-t-il au début de son évangile. Une même interrogation pourrait se poser pour la guérison de la belle-mère de Pierre et celle du lépreux.

Jésus vient d’appeler à sa suite quatre pêcheurs à leur travail. Cet Inconnu, le Baptiste l’avait ainsi présenté : « Vient derrière moi celui qui est plus fort que moi, dont je ne suis pas digne en me courbant de délier la courroie de ses sandales. Moi, je vous baptise avec de l’eau, mais lui vous baptisera avec l’Esprit Saint » (1, 7-8). Selon Marc, Jésus veut avant tout initier ses premiers disciples à la puissance qu’ils partageront avec lui comme responsables de l’établissement du Règne de Dieu tout proche.

En notre temps, nous devons affronter un monde qui nous semble aller tout croche et souvent désespérons de pouvoir faire quelque chose d’efficace pour le remettre sur rails. Jésus fait alors devant les siens, et nous par la suite, la démonstration du pourquoi de sa venue ici-bas : vivre notre vie d’homme, vaincre en ce monde toute opposition à son Règne par la seule efficacité d’une parole de puissance : « quel celui qui commande avec autorité »…

Croyons-nous au miracle ? Nous croyons-nous capables de faire des miracles ? Pourtant, sans être « apprentis sorciers », il nous suffirait de répéter à notre tour, non des gestes, mais ces paroles d’autorité, mots d’évangile, paroles de puissance pour collaborer à l’établissement du Règne de Dieu sur terre. « Il en est de ma parole comme de la rosée… elle ne me revient jamais sans avoir fait ce pourquoi je l’ai fait entendre » (Is. 55)

Parole et vie

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