La voix et le verbe
Commencement de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, le Fils de Dieu.
Il était écrit dans le livre du prophète Isaïe : « Voici que j’envoie mon messager devant toi, pour préparer la route. À travers le désert, une voix crie : Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route. Et Jean le Baptiste parut dans le désert. Il proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés. Toute la Judée, tout Jérusalem, venait à lui. Tous se faisaient baptiser par lui dans les eaux du Jourdain, en reconnaissant leurs péchés. Jean était vêtu de poil de chameau, avec une ceinture de cuir autour des reins, et il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. Il proclamait : « Voici venir derrière moi celui qui est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de me courber à ses pieds pour défaire la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés dans l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint.»
Commentaire:
Vers les années 70, soucieux de prendre la relève de Pierre, Marc se fixa comme objectif de démontrer aux Romains la filiation divine de Jésus, Fils de l’homme et libérateur de l’humanité. Son processus demeure assez simple : dans une première partie (1 à 8), avec l’évocation d’une quinzaine de miracles sur les 18 que comporte son évangile, il expose par ces actes de puissance « qui est Jésus ». Mais il ne le fera qu’après avoir précisé que Jésus n’est pas Jean-Baptiste ainsi que le roi Hérode le supposait (6,10). Tel est donc le sens de l’évangile proclamé en ce jour. «Commencement de la Bonne Nouvelle ». Marc utilise fréquemment le terme «évangile» pour parler de la « Bonne nouvelle » : « Croyez en l’évangile » (1,15). L’évangile pour lui, c’est Jésus (8,35 ; 10,29 ; 13,9+), et cette Bonne Nouvelle doit être proclamée dans le monde entier (13,10 ; 14,9) pour publier la victoire remportée par Jésus sur les puissances du mal. Jean Baptiste sera le héraut de ces débuts sans toutefois devoir être confondu avec le Messie.
Dans sa présentation du Précurseur, Marc nous dit que Jean proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés. Sa popularité auprès de foules était immense. Il menait une vie très ascétique. D’où le danger de confusion avec le Messie tant attendu. Mais le Baptiste avait pressenti l’illusion possible. Aussi précisait-il : « Vient après moi un plus puissant que moi »… Il n’ose même pas comparer sa position à celle de celui « qui vient derrière moi ». Pour Jean Baptiste, la puissance vient du baptême : lui baptise dans l’eau, mais « lui, ce dont parle les Écritures ( Is. 32,15+ ; 44,3+ ; Ez. 36.25+ ; Jl.3,1+) vous baptisera avec l’Esprit Saint ».
Régénération toute intérieure quelque peu à l’encontre du baptême des Juifs. Le judaïsme connaissait un baptême qui avait valeur de purification rituelle et d’initiation. Les bains des Esséniens et solitaires de Qumram, actes de culte quotidien, traduisaient à la fois un besoin de pureté morale et l’effort de conversion à la Loi de Moïse, considérée comme un don de Dieu. Le baptême de Jean, sans doute lui-même Essénien, exprimait somme toute cette conversion qui était à la fois un acte humain et un don divin. Les pénitents de Jean faisaient acte de conversion par le fait de leur immersion dans l’eau. Ce baptême n’était conféré qu’une fois parce qu’on le considérait comme l’ultime préparation à la venue du Messie. Cette façon de voir, cette régénération intérieure, était dans la ligne du prophétisme (Jr. 31,34 et Ez. 36,25) et c’est Jésus qui devait en être le médiateur : « Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint ».
Tel est l’événement dont l’évangile se voudra proclamation, la Bonne Nouvelle : « Annoncer qu’approche enfin le Règne de Yahvé » (Ml.3,1-2). Événement avant d’être message. Et cet événement dont Jean Baptiste devrait être le messager sert d’introduction à l’évangile de Jésus Christ Fils de Dieu selon Marc.
Voilà pourquoi Jean Baptiste sera considéré comme le plus grand des enfants des femmes » (Mt.11,11). Saint Augustin conseillait : « Admirez Jean autant que vous le pouvez, votre admiration glorifie le Christ ». Et il ajoute : « Il (Jean Baptiste) se nomme une voix…Mais le Christ, que sera-t-il à tes yeux sinon le Verbe ? La voix précède et donne ensuite l’intelligence du Verbe… Vois ! Regarde l’un et l’autre auprès du fleuve ; la Voix et le Verbe ; la Voix, c’est Jean ; le Verbe, c’est le Christ.» En chacun de nous, Jean Baptiste prépare sans trêve la rencontre du Christ.