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Le psalmiste,

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Le psalmiste

Psaume 34. Le Seigneur est le refuge des justes

Imprimer Par Hervé Tremblay

Le Ps 34 est un psaume alphabétique, c’est-à-dire que le premier mot de chaque verset commence, dans l’ordre, par une lettre de l’alphabet hébreu. Par exemple, en français : « 1À Dieu je veux chanter ; 2Bonne est sa louange ; 3Car il est grand ; 4Dans tout l’univers, etc. ». Devant une épreuve difficile, le psalmiste a invoqué le Seigneur et sa prière a été exaucée ; il exprime alors sa reconnaissance et il invite tous les fidèles à partager sa joie et sa confiance en Dieu. Finalement, il donne un enseignement sur la doctrine traditionnelle de la rétribution : l’épreuve écrase le méchant mais libère le juste. Si sa propre recherche de Dieu lui a apporté beaucoup, ainsi en va-t-il de tous les chercheurs de Dieu, assurés de ne jamais manquer de rien.

Le genre littéraire du psaume a toujours été un problème : les v.2-4 sont du genre hymnique, les v.5-8 et 16-23 parlent d’une expérience de salut, les v.9-15, enfin, sont visiblement du style sapientiel de l’instruction. Mais si la partie sapientielle et didactique est importante, c’est comme une conclusion, un dénouement du drame. On peut alors parler d’un psaume de confiance ou de reconnaissance.

En ce qui concerne le plan du psaume, il y a deux parties : après l’introduction hymnique (v.2-4), le psalmiste donne son propre témoignage dans lequel il tire des conclusions générales de son expérience personnelle (v.5-11). Les instructions et les exhortations de la seconde partie du psaume reflètent le mode sapientiel dans le style des Proverbes sur le sort des justes et des méchants (v.12-23).

Le titre du psaume, toujours omis dans la liturgie, est : « De David. Quand il simula la folie devant Abimélek, se fit chasser par lui et s’en alla ». C’est une allusion à l’épisode raconté en 1 S 21,11-16 où le roi de Gat est en fait Akish. Il s’agit là plus d’une orientation homilétique que d’une identification historique. Les versets 5-8 expriment le motif de l’action de grâce : l’expérience de l’épreuve et de la délivrance par le Seigneur. Au v.5, trois verbes évoquent ce qui s’est produit : « il a cherché le Seigneur ; le Seigneur lui a répondu ; il l’a délivré ». Au v.7, trois autres verbes rappellent les trois actes qui ont jalonné l’épreuve : « il a crié ; le Seigneur a répondu ; il l’a sauvé ». Le verset 8 parle de l’ange du Seigneur (cf. Ex 14,19 ; Ps 91,11 ; 103,21). C’est l’image d’une ville assiégée : l’armée céleste, représentée par les anges, campe autour de la ville menacée et Dieu protège ses amis les pauvres (cf. Jos 5,14 ; Dn 12,1 ; Za 9,8 ; Ps 127,1).

Aux versets 9-11, le psalmiste se tourne vers ses auditeurs : on y retrouve un vocabulaire « culinaire » : « goûtez, le Seigneur est bon, rien ne manque à ceux qui le craignent, les riches ont faim, qui cherche Dieu ne manque d’aucun bien ». Il y a là une belle formulation de la douceur qu’on éprouve à demeurer fidèle à Dieu ; on savoure ses bontés, tels les mets exquis d’un festin. On cherche Dieu par l’intelligence, certes, mais aussi et surtout par le cœur, la conscience et toute la vie (v.11). Les mots du verset 12 « Venez, mes fils, écoutez-moi » font partie du vocabulaire typique des maîtres de sagesse à l’égard de leurs disciples (cf. Pr 1,8 ; 2,1 ; 3,1.11.21 ; 4,1.10 ; 5,1.7 ; 8,32-34 ; Si 39,13 ; Ps 78,1 ; 81,9 ; 95,7). Le verset 13 pose la fameuse question du bonheur et de ce qui y conduit. La réponse se trouve dans les versets qui suivent (v.14-15 cf. Am 5,14-15). « Garde ta langue du mal » : thème fréquent dans la Bible (cf. Ps 15,3 ; 39,2 ; 120,3-4 ; 141,3 ; Pr 4,24 ; 13,3 ; 21,23 ; 26,28 ; Jc 3,2-12). Les versets 16-18 sont plus dramatiques dans l’emploi d’un même anthropomorphisme dans des buts opposés. Ici c’est la face du Seigneur : terrible pour les méchants mais favorable et bienveillante pour les justes. Le dernier verset (v.23), qui vient après le verset commençant par la dernière lettre de l’alphabet hébreu, est généralement considéré comme un ajout parce que la tradition n’aimait pas qu’un texte se termine par une malédiction (ce qui est le cas du v.22).

L’enseignement du psaume peut se résumer en trois points principaux.

• Doctrine de la rétribution temporelle (cf. Si 1,13). Le psalmiste tente de communiquer la connaissance expérimentale qu’il a eu de la rétribution. Même s’il ne se fait pas de la rétribution une idée aussi automatique que celle des textes plus anciens (récompense des bons et punition des méchants ici-bas sur terre), il n’en continue pas moins à distinguer entre la destinée terrestre des bons et des méchants. Le Seigneur regarde les justes, il les écoute, les délivre et les sauve ; quant aux méchants, le Seigneur les affronte et efface leur mémoire de sur la terre. En d’autres termes : celui qui demeure fidèle n’est jamais perdant !

• La recherche du bonheur, c’est-à-dire une vie longue et heureuse, selon le désir fondamental de tout être humain. C’est un des thèmes préférés de la littérature sapientielle. La question est posée au v.13 et la réponse apportée comporte trois éléments : garde ta langue du mal (v.14) ; évite le mal (v.15a) ; poursuis la paix (v.15b).

• Les « pauvres du Seigneur » reçoivent divers noms (v.3.7.10.20.22). Évidemment, le terme « pauvre » faisait d’abord référence aux opprimés et aux exploités, mais au fil du temps il a acquis un sens spirituel et en est venu à désigner les croyants authentiques. Ici, ce sont les humbles qui recherchent le Seigneur (v.11), le craignent (v.8.10), se réfugient en lui quand leur esprit est abattu (v.9.19) ; ils sont les saints du Seigneur (v.10), ses justes (v.16.20.22) et ses serviteurs (v.23) ; ils regardent le visage du Seigneur et en sont illuminés (v.6) ; ils font le bien et évitent le mal (v.14-15). Ce thème de la pauvreté est souvent associé avec celui de la recherche de Dieu (cf. Ps 22,26-27 ; 25,14 ; 31,20 ; 66,16 ; 115,11.13). Il y a là une préparation à la proclamation des béatitudes par le Christ (Mt 5,3-11).

Dans le Nouveau Testament 1 P 2,3 cite Ps 34,9 ; 1 P 3,10-12 cite 34,13-17 pour montrer que le goût de la parole de Dieu est aussi indispensable pour la croissance chrétienne que le lait pour la vie des nouveau-nés ; Jn 19,36 cite 34,21 au sujet des os de Jésus qui n’ont pas été brisés. On penserait plus naturellement à Ex 12,46 au sujet de l’agneau pascal, mais l’allusion au Ps 34 est aussi probable en tant que Jésus est le Juste et le Pauvre du Seigneur par excellence. Dans la Liturgie des Heures, on récite le Ps 34 les samedis I et III à l’heure médiane et pour les fêtes des saints ; à l’eucharistie, il est souvent utilisé comme psaume responsorial.

fr. Hervé Tremblay o.p.
Collège universitaire dominicain
Ottawa

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