Le petit catéchisme de mon enfance posait des questions. Entre autres, il demandait: «Où est Dieu?» À l’époque, je répondais en toute confiance: «Dieu est partout!» C’était aussi la réponse de mon catéchisme. Et c’est encore ma réponse aujourd’hui.
Toutefois, je ne crois pas à la présence de Dieu éparpillé dans la nature, dans les choses et les êtres. Ceux-ci ne contiennent pas de parcelles de Dieu. Dieu ne s’émiette pas dans l’univers. Comment il est partout? Je ne sais trop. C’est encore un mystère – un de plus! – qui va m’occuper jusqu’à ma mort.
Actuellement, il y a une présence de Dieu qui me fascine. Je retrouve Dieu dans les conversations. On parle de lui. Beaucoup. On se pose des questions à son sujet. Lui qui était devenu si discret, voilà qu’il reprend de la place en public. Ces dernières années, il fallait taire son nom. Il ne fallait surtout pas avouer sa foi, raconter une expérience spirituelle. Les amis auraient souri. Certains se seraient esclaffés. Certains allant même jusqu’à suggérer d’aller voir un psychologue ou un psychiatre.
Les pourfendeurs de toute croyance ne sont pas morts. Les militants et idéologues de tout acabit continuent de dénigrer le spirituel, surtout celui des Églises. Mais Dieu est revenu en ville. Il est même devenu une vedette de la littérature. Éric-Emmanuel Schmidt a publié L’Évangile selon Pilate. On a joué, il y a quelques temps, la pièce de théâtre Le visiteur, du même auteur, où Dieu passe la soirée en compagnie de Freud, rien de moins. Sans oublier Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, Oscar et la Dame Rose… De Robert Maltais vient de sortir Les larmes d’Adam, un roman dans le décor d’un monastère, haut-lieu de présence de Dieu. Et que dire du Code Da Vinci que tout le monde a lu ou veut lire?
Du côté des philosophes, il faut mentionner les études sérieuses de Luc Ferry, notamment dans L’homme-Dieu ou le sens de la vie. L’ancien ministre de l’Éducation française – athée de surcroît – poursuit sa réflexion sur Dieu et la foi dans La Sagesse des Modernes, en compagnie d’André Comte-Sponville. Après nous avoir donné Le goût de l’avenir, Jean-Claude Guillebaud vient de faire paraître une analyse serrée de la croyance dans La force de conviction. Très intéressant aussi, le succès que remporte actuellement le journal d’Etty Hillesum, intitulé Une vie bouleversée.
Le cinéma ne laisse pas sa place, lui non plus. En tête de liste, il faut placer La Neuvaine de Bernard Émond. La quête de sens et la recherche de la vérité s’entremêlent dans des itinéraires différents et respectueux tout à la fois. Il y a C.R.A.Z.Y. où la bonne maman catholique vit sa foi en toute simplicité, sans caricature. L’an passé, La Passion du Christ selon Mel Gibson a fait couler assez de sang pour ameuter les indifférents. Et L’exorcisme d’Emily Rose qui ressuscite le diable à son meilleur.
Et les artistes, comme Gregory Charles, qui ne cachent pas leur allégeance religieuse, et même leur foi très catho! On a même lancé un défi de taille au bouillant Éric Salvail: passer quelques heures en silence chez les Trappistes d’Oka. Sans oublier les chefs d’État qui osent faire prier leurs commettants. Et ces scientifiques qui n’hésitent pas à faire des témoignages.
Je dresse une liste très partielle, la pointe d’un iceberg qui rejoint les profondeurs de la personne humaine. Il y a de tout dans la recherche de Dieu. Du bon et aussi du moins bon. Le discours sur Dieu qui était propriété exclusive des Églises et des croyants, est maintenant prononcé par n’importe qui. Il y a des athées déclarés qui parlent avec beaucoup de justesse. Il y a des démarches avancées, d’autres qui n’en sont qu’à leurs premiers pas. «Du choc des idées naît l’étincelle de vérité», affirme un dicton.
Espérons seulement que ce goût de la question sur Dieu ne disparaisse pas. Ce n’est pas que je tienne à sauver Dieu. Il s’en charge lui-même. Mais je crois profondément que nous nous réalisons en allant au bout de nos questions, en n’écartant pas les appels que ces questions nous lancent, en acceptant qu’elles en fassent naître des nouvelles. L’être humain n’est lui-même qu’insatisfait. Douter assez pour chercher sans cesse. Constant, persévérant voyageur jusqu’au centre de soi-même.