Peut-il exister une vie sans relation à une autre vie? Un chaton vit parce qu’une chatte l’a conçu et fait naître de son union avec un chat. Je vis parce que mes parents m’ont donné cette vie.
Mais ma vie de relation ne s’arrête pas à ma conception et à ma naissance. Tout au long de mon existence, j’entre en communication avec d’autres. J’ai un frère et trois soeurs. J’ai des amis. Je travaille avec des collègues. Je partage la vie d’une communauté. Je croise des gens connus et des inconnus. Ma vie quotidienne est tissée de multiples fils qui me relient et me rallient.
J’ai besoin de ces relations. Je porte en moi des espaces d’habitation où je peux laisser entrer les autres. Je souffre de la solitude que le vide cause en moi. J’ouvre donc la porte et les fenêtres. J’invite à entrer. Mon bonheur dépend en grande partie de la présence et de l’absence des autres. L’amour en moi agit comme un pôle d’attraction. J’attire les autres; les autres m’attirent. Aimant et amant se ressemblent non seulement par les sons mais surtout dans leur signification.
J’occupe mon temps à chercher et à trouver les autres. J’ouvre mon agenda. Il me parle de rendez-vous, de rencontres, de réunions. Il me parle de relations et de communications interpersonnelles. Je ne suis pas une île et, si j’en étais une, j’aurais vitement construit sur mes rives de nombreux ports. Je me serais empressé d’édifier des ponts pour rejoindre d’autres terres fermes. J’aurais ajouté un système téléphonique. Je me serais branché sur Internet. Tout cela pour assurer des relations.
Mes relations ne se contentent pas d’éloigner la solitude; elles font plus que briser l’ennui. Mon univers personnel a des limites. Je porte en moi des zones de pauvreté. J’ai des manques. Les autres sont donc importants. Ils m’enrichissent. Ils comblent les vides. Ils développent mon jardin intérieur. Ils assurent une plus grande ouverture de mon être. Ils m’évitent le repli sur moi-même. Ils me sortent de mon indifférence.
Est-ce pour assurer la communication avec les autres que je parle? En grande partie, je le crois. Parler, c’est établir une relation. C’est s’ouvrir à d’autres. Même quand je parle tout seul, j’adresse ma parole à quelqu’un, ne serait-ce qu’à moi-même comme un autre. Je parle pour transmettre à d’autres ce qui m’habite. Je tends l’oreille pour saisir quelque chose du secret de l’autre. Les mots nous disent les uns les autres. Les mots ouvrent les bras pour accueillir, pour embrasser, pour relier.
Si ma vie a du sens, n’est-ce pas parce qu’elle se situe à l’intérieur d’un ensemble plus vaste: la famille, les amitiés, le milieu de mon travail, la ville, le monde, l’Église, Dieu? J’habite au milieu de cet univers. J’y suis relié. Je peux établir des alliances. Je peux vivre des communions et je vie de ces communions. La relation donne un sens à ma vie.
Tout au long de ce billet, j’ai parlé à la première personne du singulier. J’ai parlé en «je». J’ai parlé de moi-même. Mais les autres, vous et tous les autres, vous pouvez relire ce texte et vous retrouver dans le «je» qui m’exprime. Une relation entre l’auteur que je suis et le lecteur, la lectrice que vous êtes peut s’être établie. Cette réflexion peut faire sens dans nos vies respectives.
Guerres, ruptures, divisions déshumanisent. Non seulement ils tuent des humains mais aussi et surtout ils brisent des relations. Nos amours, nos mariages, nos communions, au contraire, nourrissent notre bonheur. Ils nous épanouissent. Ils nous font vivre de toutes les relations qu’ils font naître en nous.