La balle est dans votre camp
Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. Celui qui croit en lui échappe au Jugement, celui qui ne veut pas croire est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.
Commentaire :
Reculons deux mille ans en arrière et prenons place parmi les fidèles de la communauté johannique. L’apôtre Jean parlait d’un certain Nicodème, notable juif et maître en Israël, venu trouver Jésus de nuit pour éclaircir certains points demeurés en suspens. Les conversions de nombreux juifs à la vue des miracles que Jésus accomplissait (2 : 23-25) ne pouvaient le laisser indifférent. C’est de cet entretien (3 : 1-21) dont Jean nous rapporte quelques souvenirs ! mais surtout ses propres réflexions. L’entretien eut lieu la nuit, alors où était Jean à cette heure-là ? Jésus tente de convaincre son interlocuteur de la nécessité de renaître de l’Esprit pour voir, expérimenter et posséder le Royaume de Dieu, être atteint et saisi par lui. (3 : 1-12) La suite du passage affirme que le Fils de l’homme descendu du ciel peut seul révéler le dessein du Père, c’est à dire une nouvelle naissance pour l’homme dans la mort et la résurrection du Christ, moyennant la foi. Cette réflexion fait suite à celle de dimanche dernier
Dialogue de sourds
Qui peut comprendre ! Le passage débute par une idée chère à l’évangéliste : « Dieu a tant aimé le monde… » (1 Jn. 3 : 16 4 : 9-10) L’expression « monde » embrasse ici tout l’univers, et particulièrement le genre humain. Il serait opportun ici un extrait de la lettre de Paul aux Colossiens (1 : 15-20) et de la Première de Jean. (1 Jn 2 : 15-17) Le monde n’est pas mauvais en soi, mais il le deviendra par son refus de la lumière et de la foi au Christ. (Jn 1 : 11 ; 12 : 46-48 ; 16 : 8-9) Progressivement, dans la pensée de Jean, ce monde va s’identifier à ceux qui récusent le Christ pour adhérer à Satan. (ch.13) Au départ, le dessein de salut concernait tous les humains sans exception : « Afin que tout homme qui croit en lui ne périsse pas, mais ait la vie éternelle… » et « Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour condamner le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. » (17) Tel est le projet éternel du Père (Eph. 1 : 1+) et la mission du Fils : le salut des hommes. La condamnation viendra du choix de l’homme (18+). Cependant, de connivence avec le Père, le Fils remet sa fonction de juge à la fin des temps (Mat. 25) ; tant qu’il est parmi nous, seul notre salut le préoccupe.
Lumière et ténèbres
Pour Jean, la vie de Jésus au service de son Père fut un long et infâme procès intenté par le monde, hommes de son temps et préfigure des hommes de tous les temps dans l’âme desquels se déroule toujours le même et ignoble différend. L’aboutissement sera la condamnation. Tout homme est mis en demeure de faire un choix : prendre parti pour Jésus et les valeurs de lumière, de vérité et de vie qu’il incarne, ou refuser le Christ et lui préférer le mensonge, les ténèbres et la mort. De ce fait, l’homme est déjà jugé et condamné : « Celui qui ne croit pas est déjà condamné parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. » Quelques chapitres plus loin, l’apôtre précisera : « Si quelqu’un entend mes paroles et ne les garde pas, ce n’est pas moi qui le condamnerai, car je ne suis pas venu pour condamner le monde, mais pour sauver le monde. » et « Qui me rejette et ne reçoit pas mes paroles a son juge : la parole que j’ai fait entendre, voilà qui le jugera au dernier jour, car je n’ai pas parlé de moi-même, mais le Père qui m’a envoyé m’a lui-même prescrit ce que je devais dire et faire entendre, et je sais que son ordre est vie éternelle. Les paroles que je dis, c’est comme le Père me l’a dit que je les dis. » (12 : 47-50)
Il s’agit là, il va de soi, d’une situation durable et non d’un délit passager, mais d’un choix lorsque les hommes sont confrontés avec le don Dieu, le Verbe incarné. Ce jugement s’établit tout au cours de l’histoire : « Les hommes préfèrent les ténèbres à la lumière venue dans le monde, parce que leurs œuvres sont mauvaises. » (1 : 10-11) « Qui fait le mal, hait la lumière et ne vient pas à la lumière de peur que ses œuvres ne soient dévoilées. (20) Mais celui qui agit dans la vérité vient à la lumière pour qu’il apparaisse au grand jour que ses œuvres sont faites en Dieu. » (21) Conflit entre la lumière et les ténèbres, l’un des thèmes privilégiés de Jean.
Conclusion
Des mots brûlants : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique pour que tout homme croit en lui et ait la vie éternelle. » Toute la Bible révélait cet amour de Dieu, l’Ancien Testament tout autant que le Nouveau ; mais qui pouvait deviner jusqu’où irait cet amour. Dieu a donné son Fils, le Verbe incarné, Parole fait chair, Dieu a parlé à des hommes dans un langage humain pour que nous apprenions à vivre éternellement. Jean sait ce dont il parle, lui, le seul des Douze à avoir été au pied de la croix sur laquelle Jésus mourait pour notre salut. C’est ainsi qu’il a pu mesurer l’immense amour dont le Père peut nous aimer, amour incommensurable exprimé par son Fils. Pour l’homme, une seule réponse s’avérait possible, engageant non seulement sa vie ici-bas, mais non moins son salut éternel.
Telle est la portée de ce dialogue d’amour entre Dieu, Père, Fils et Esprit et chacun de nous. Quelle réponse sommes-nous en train de vivre ? Comme on dit : la balle est dans notre camp.