Dans la nuit de samedi à dimanche prochain, vers 4h15, les membres de ma communauté chrétienne se retrouveront autour d’un feu dans le stationnement de l’église. Ce feu sera communiqué à un grand cierge. Puis, nous nous déplacerons vers l’église en suivant cette petite flamme, toute menue, si fragile que le moindre coup de vent peut l’éteindre.
Petite flamme pour évoquer un grand homme. Flamme fragile pour rappeler Dieu tout-puissant qui s’est présenté en la personne de Jésus.
Nous commençons la semaine sainte avec une procession semblable. Un petit roi aussi discret que la flamme. Un petit roi sans les apparats des grands monarques. Sur un ânon, une bête qui ne se gène pas pour être ridicule, plutôt qu’un somptueux carrosse doré, tiré par un attelage de chevaux de race. Un maître doux et humble plutôt qu’un dictateur imposant. Un roi pacifique au lieu d’un guerrier impressionnant.
Durant la nuit pascale, chaque année, j’ai toujours la frousse que le grand cierge s’éteigne entre le stationnement et l’église. Si j’avais été sur le bord de la route quand le petit roi est entré dans Jérusalem, il me semble que j’aurais eu peur que tout le projet de Dieu s’effondre. Il me semble que la crainte aurait grandi quand Jésus fut conduit devant le sanhédrin et Caïphe, puis devant Pilate, pour enfin aboutir à la torture des soldats et la mort sur la croix. Et j’aurais pu être le compagnon de Cléophas sur la route d’Emmaüs à répéter et à répéter: Et nous qui espérions qu’il serait le libérateur d’Israël! (Luc 24, 21)
Aujourd’hui, je sais que cette descente aux enfers s’est transformée en victoire sur la mort. Le roi est libre. Le roi est glorieux. Glorieusement régnant!, comme on dit.
Et pourtant, je dois reconnaître qu’il pénètre dans ma vie bien humblement et qu’il s’installe dans le décor désinstallant et désinstallé de ma foi. il est là encore aussi fragile que la flamme du grand cierge qui se déplace dans la nuit venteuse.
Avec ma foi qui n’est pas plus forte que lui, je surveille ce petit feu doux et humble, cette veilleuse pacifique, pour qu’elle ne s’éteigne pas malgré les assauts des vents nocturnes.
Cette semaine pourrait avoir pour thème: Le défi de la fragilité. Durant ces quelques jours, se rencontrent ma fragilité et la fragilité de Dieu. Un défi qui peut faire sourire mes contemporains mais qui m’accule sérieusement à ma vérité profonde comme à celle de Dieu.
Le défi de la fragilité, je crois que Dieu le propose, et moi avec lui, à mon église qui a honte de ses déconfitures et qui s’ennuie parfois de ses antiques triomphes.
Le défi de la fragilité, j’aimerais le proposer à la société, à ma culture nord-américaine, à ces nations qui prétendent pouvoir vaincre tous les obstacles, même la mort.
Le défi de la fragilité, une semaine où le Christ nous rappelle que seul le grain qui meurt dans la terre peut produire des fruits.