Depuis près de soixante-dix ans, le père Ceyrac aide les plus démunis en Ide où, à l’instar de Mère Teresa, il est considéré comme une légende. Là-bas, il rend leur dignité à ceux qui croient l’avoir perdue, les aide à redevenir maître de leur destin, leur ouvre un chemin de liberté et de bonheur. Jamais, il ne dit « non » à un enfant en détresse et se dépense sans compter auprès de plus 40 000 orphelins. A 90 ans, le père Ceyrac est loin d’avoir terminé son combat et déclare « faire du rabiot pour appendre à aimer ». Dans ce livre, il rend hommage à ceux qu’il a croisés sur sa route, nous lègue l’espérance qui l’habite au crépuscule de sa vie et nous apprend à ne jamais désespérer de l’être humain.
Le testament d’un homme de foi qui a passé sa vie à faire du bien sans faire de bruit.
Sur les routes de l’Inde, (p 33)
Le Père Le Saux disait : « En Occident, on est sûr de l’existence de l’homme, on n’est pas sûr de l’existence de Dieu. En Inde, on est sûr de l’existence de Dieu, c’est évident. On n’est pas si sûr de l’existence de l’homme ! ».
En Occident, nous sommes surtout intéressés par les choses que nous voyons, que nous touchons, que nous manipulons, même si elles peuvent être aussi compliquées qu’un téléphone mobile ou qu’un ordinateur. En Inde, ce sont les choses que l’on ne voit pas, que l’on ne touche pas, les choses de l’au-delà (ou de l’en deçà) qui intéresseraient les gens, autrefois, du moins, car cela commence à changer.
J’ai toujours été impressionné durant le mois « markali » (mois de purification), vers fin décembre et début janvier, par les longs pèlerinages sur les routes de l’Inde : des centaines de milliers de gens de toute sorte et de toutes castes marchant nus pieds sur des routes brûlantes, vers des temples lointains et la divinité de leur choix… tendus vers la vision Dieu transcendant qu’ils cherchent à travers tous les noms et les formes du Panthéon hindou.
Je me rappelle ce professeur de l’université de Toulouse qui m’enseigna mes premiers rudiments de sanskrit. Il n’était jamais allé « aux Indes » mais il en parlait avec beaucoup de lyrisme : « ce grand pays qui a ses racines dans la demeure des dieux (les Himalaya) et qui s’enfonce dans l’océan comme les mains jointes pour la prière ! ».
Car s’il faut vivre et « s’enfoncer » dans l’illusion cosmique (la maya) de ce monde matériel, il faut toujours nous rappeler que nos racines sont en haut.
Aussi j’essaie de « porter » dans mes prières toute cette immense foule en marche, et de les « accompagner » dans leur recherche de la vision de Dieu.
J’essaie aussi de donner à mon Eucharistie quotidienne cette dimension « cosmique » si chère aux Pères Monchanin et Le Saux : offrir au Seigneur avec émerveillement toute la beauté de cette terre et de cet univers, enchantant avec François d’Assise : « Seigneur, que tu es grand, que tu es beau ! ».
Le chariot d’or ( p22)
J’étais allé, mendiant de porte en porte, sur le chemin du village lorsque ton chariot d’or apparut au loin pareil à un rêve splendide et j’admirais quel était ce Roi de tous les rois !
Mes espoirs s’exaltèrent et je pensais : c’en est fini des mauvais jours, et déjà je me tenais prêt dans l’attente d’aumônes spontanées et de richesses éparpillées partout dans la poussière.
Le chariot s’arrêta là où je me tenais. Ton regard tomba sur moi et tu descendis avec un sourire. Je sentis que la chance de ma vie était enfin venue. Soudain, alors, tu tendis ta main droite et dis : « qu’as-tu à me donner ? »
Ah ! quel jeu royal était-ce là de tendre la main au mendiant pour mendier ! J’étais confus et demeurai perplexe ; enfin, de ma besace, je tirai lentement un tout petit grand de blé et te le donnai.
Mais combien fut grande ma surprise lorsque, à la fin du jour, vidant à terre mon sac, je trouvai un tout petit grain d’or parmi le tas de pauvres grains. Je pleurai amèrement alors et pensai : « Que n’ai-je eu le cœur de te donner mon tout ! ». de Rabindranath Tagore.