Le Québec s’enneige. Une grande nappe blanche a atterri sur les maisons et les arbres. Elle recouvre le sol. Le temps s’est refroidi mais la beauté du paysage adoucit la température Pendant que certains grognent parce qu’ils n’aiment pas la saison froide, un grand nombre s’émerveille de ces premières neiges encore propres et du ciel pas trop gris du milieu de décembre. Nous aurons sans doute une conversation moins enthousiaste au mois de mars. Pour l’instant, les coeurs sont au beau fixe. C’est toujours beau l’hiver quand ça commence…
L’arrivée de la saison coïncide, cette année, avec la sortie d’un rapport sur l’état des forêts du Québec. Une commission d’enquête, sous la présidence de Monsieur Guy Coulombe, est parvenue à des conclusions qui ressemblent étrangement au cri d’alarme de notre poète Richard Desjardins. Il y a quelques temps déjà, Desjardins et son comparse Monderie ont réalisé un film sur la question. Dans L’erreur boréale, on attirait notre attention sur la surexploitation des forêts par les compagnies forestières. La commission Coulombe tient un discours semblable. On a surestimé la «possibilité forestière» du Québec. Le sapin, l’épinette, le pin et le mélèze sont menacés de disparaître. Quant aux feuillus, nos majestueux érables par exemple, il est déjà bien tard pour réagir. Ce qui reste debout n’attire même plus l’attention des exploitants. Bref, notre patrimoine forestier est en piteux état.
Le rapport Coulombe arrive en même temps que le sapin de Noël se dresse dans les salons du Québec. «Mon beau sapin, roi des forêts…», comme chante la radio, ces jours-ci. Dans bon nombre de maisons, le brave conifère – en synthétique! – dormait depuis un an dans une boîte de carton au fond d’un placard ou dans le grenier. On l’a rafraîchi du mieux qu’on a pu. On a installé les «sets de lumières», les boules et les pères Noël. Chez les bons chrétiens, on a ajouté une crèche au pied de l’arbre, une étoile au faîte.
Ailleurs, on s’est permis un vrai sapin, en vrai conifère, couleur et odeur incluses. Le précieux trésor a été acheté au marché à moins qu’on soit allé en famille le quérir sur la terre du grand-père dans le troisième rang. Ça sent bon, aussi bon que les tourtières qui ronronnent dans le fourneau ou des gâteaux aux fruits de la boulangerie locale.
Un arbre dans la maison! Un arbre avec des décorations et des lumières! Les enfants, qui ne se souviennent pas du Noël de l’an passé vont demander: «Pourquoi? Pourquoi on met un arbre dans le salon?»
Qu’allons-nous répondre cette année? Que Noël est une grande fête qui favorise les retrouvailles familiales, une fête où nous partageons des cadeaux et des nouvelles les uns des autres? Une fête où nous prenons le temps de nous aimer et de partager l’esprit familial?
Allons-nous dire aux enfants que nous célébrons un grand rêve: la paix pour toute l’humanité? La paix pour les peuples où la guerre fait tant de ravages? La paix pour les familles où l’union et la bonne entente parviennent difficilement à faire leur nid? La paix sans chicane ni gros mots?
Oserons-nous annoncer aux enfants que l’origine de la fête est liée à une naissance où Dieu s’est manifesté dans la plus grande faiblesse? Naissance que certains regardent comme un conte merveilleux? Mystère que d’autres ont l’audace de reconnaître comme le sens de leur vie et l’ouverture à plus grand que nature?
Irons-nous jusqu’à dire aux enfants comme aux grandes personnes: Noël annonce la naissance d’un enfant qui parle de Dieu comme on parle de l’amour, un Dieu qui aime au point de donner un immense univers à cultiver et à protéger? Des humains dont il faut protéger la vie en protégeant leur environnement.
Cette année, le Noël québécois ne pourrait-il pas rendre hommage au créateur de l’arbre? À celui qui a créé une planète de forêts pour la santé et le bonheur des terriens? L’enfant qui est né au premier Noël a tenu semblable discours et serait bien heureux d’associer l’arbre à son anniversaire de naissance.