Message d’espérance à un prisonnier
Or, Jean, dans sa prison, avait entendu parler des oeuvres du Christ. Il lui envoya demander par ses disciples : Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? Jésus leur répondit : Allez ! Rapportez à Jean ce que vous entendez et voyez : les aveugles voient et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres ; heureux celui qui ne sera pas scandalisé à cause de moi ! Comme ils s’en allaient, Jésus se mit à parler de Jean aux foules : Qu’êtes-vous allés voir au désert ? Un roseau agité par le vent ? Alors, qu’êtes-vous allés voir ? Un homme vêtu d’habits élégants ? Mais ceux qui portent des habits élégants sont dans les demeures des rois. Alors qu’êtes-vous allés voir ? Un prophète ? Oui, je vous le déclare, et plus qu’un prophète. C’est celui dont il est écrit : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi ; il préparera ton chemin devant toi. En vérité je vous le déclare, parmi ceux qui sont nés d’une femme, il ne s’en est pas levé de plus grand que Jean le Baptiste ; et cependant, le plus petit dans le Royaume des cieux est plus grand que lui.
Commentaire :
QUI EST JÉSUS ?
Deux questions tissent la trame de ce passage de l’évangile de Matthieu. Une première concerne la pensée de Jean sur Jésus dont il était le précurseur et sa remise en question à son sujet. Pour Jean Baptiste, Jésus était comme le paysan, hache en main pour abattre l’arbre stérile, le cultivateur qui nettoie le lieu où il a vanné le blé et jette au feu tout ce qui n’est pas bon grain. Dans Celui qui vient , Jean voyait le Juge que doivent redouter tous les pécheurs non repentis. Mais les rumeurs touchant Jésus ne correspondaient pas à l’idée que Jean s’en faisait. Son étonnement devint peu à peu questionnement insoutenable.
Prisonnier à la forteresse de Machéronte, sur la rive est de la Mer Morte, par décision d’Hérode Antipas dont il critiquait les mœurs incestueuses, Jean savait profiter des égards de son geôlier pour envoyer de ses disciples vers Jésus avec mission de lui demander : Es-tu celui qui vient ou faut-il en attendre un autre ? Pour toute réponse, Jésus fait la description de ses activités bienfaisantes : Allez dire à Jean ce que vous voyez … Jésus utilise à cette fin les oracles messianiques du Second Isaïe : L’esprit du Seigneur est sur moi, il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres, guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux prisonniers la liberté, aux aveugles le recouvrement de la vue (Is. 61 : 1 et 35 :5-6) Jésus ne se contente pas de se dire le Messie, il donne des preuves susceptibles d’inviter Jean à refaire son image du Messie. L’Idée d’un restaurateur de la Royauté en Israël, ainsi que l’espèrent les apôtres au jour de l’Ascension, (Ac.1 : 6) tenaille non moins la pensée du Précurseur. Il faut dire à sa décharge que Jésus lui-même inaugurait sa mission en termes chargés d’espérance : Repentez-vous car le Royaume des Cieux est proche. (Mat. 4 : 17) Et Jésus ajoute : Heureux qui ne sera pas scandalisé à mon sujet. Il tente ainsi de mettre Jean et ses disciples en garde contre la déception suite à sa réponse. Au lieu du Fort et de la puissance vengeresse qu’espère Jean, Jésus se présente comme la manifestation de la tendresse de Dieu à l’égard des pauvres. La mise au point risque de mettre à terrible épreuve la foi de Jean. Au lieu du justicier redoutable, l’attente de Jean et l’objet de sa prédication, Jésus apporte la révélation de l’amour miséricordieux de Dieu.
QUI EST JEAN
La tradition évangélique a joint cette première interrogation, une seconde, complémentaire. Pour définir la personnalité de Jean, Jésus pose trois questions dont la troisième seule nous retiendra. Pourquoi se rendre au désert ? De toute part, les gens accouraient vers Jean pour se faire baptiser. Le Baptiste n’est pas du genre à plier devant qui que ce soit, fut-ce Hérode. Soutenu par la force de l’Esprit, il témoigne d’une inexorable austérité, comparable à celle du prophète Éli. (2 R. 1 : 8) Jean, affirme Jésus, est un prophète et plus qu’un prophète. Certains s’étaient d’ailleurs demandé s’il n’était pas le Messie (Jn.1 : 19-25.
Jésus ira plus loin. Comparé à l’ensemble des hommes, Jean est le plus grand. Et pour donner plus de relief à son affirmation, Matthieu utilise l’expression traditionnelle né d’une femme. Il tient, ce faisant, à souligner l’humilité de la condition terrestre : L’enfant de la femme est faible (Si.10 : 12), sujet au péché (Jb.15 : 14) et d’une vie éphémère. (Jb.11 : 2) Il prépare ainsi la suite du verset : Cependant dans le Royaume des cieux, le plus petit est plus grand que lui. Si, sur cette terre, la première place revient à Jean Baptiste, dans le Royaume, le dernier lui sera supérieur. Les grandeurs du monde présent ne sont rien en comparaison des grandeurs du Royaume de Dieu. En somme, Jésus tente de persuader ses auditeurs qu’il est plus important d’avoir part au Royaume que d’admirer Jean et son prestige. Jésus lance donc notre réflexion au-delà de l’admiration pour le Baptiste.
Le rôle de Jean et de tous ces personnages illustres dans le monde la foi n’est pas de retenir l’attention des disciples ou de créer un fan club, ce que Paul devait lui-même dénoncer ( 1 Cor.1 ), mais de conduire à Jésus dont ils ne sont que les témoins. Témoins nécessaires quand même, voulus dans les desseins de Dieu depuis un temps immémorial : Après avoir à maintes reprises et de maintes façons parlé à nos pères par les prophètes, Dieu, en ces temps qui sont les derniers … (He.1 : 1)
Admirable leçon de vérité et message d’espérance à l’approche de la fête de la Nativité ! Au-delà des scintillements de la fête, des sapins et des feuilles de gui, des repas somptueux et des chants traditionnels, des émotions et des joies, il y a Jésus que nul ne saura rejoindre s’il ne l’accepte avec ses innombrables grâces qu’il nous réserve dans son cœur plein de tendresse et d’amour : les aveugles voient, les boiteux marchent, les morts ressuscitent, la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres.
Aux âmes inquiètes, tourmentées par les soucis tant spirituels que matériels, que la réponse de Jésus et l’espérance qu’elle suscite nous rejoigne tous dans nos prisons quotidiennes !