Le long voyage
Après le départ des mages, l’ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit : « Lève-toi ; prends l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte. Reste là-bas jusqu’à ce que je t’avertisse, car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr. » Joseph se leva ; dans la nuit, il prit l’enfant et sa mère, et se retira en Égypte, où il resta jusqu’à la mort d’Hérode. Ainsi s’accomplit ce que le Seigneur avait dit par le prophète : D’Égypte, j’ai appelé mon fils… Après la mort d’Hérode, l’ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph en Égypte et lui dit : « Lève-toi ; prends l’enfant et sa mère, et reviens au pays d’Israël, car ils sont morts, ceux qui en voulaient à la vie de l’enfant. » Joseph se leva, prit l’enfant et sa mère, et rentra au pays d’Israël. Mais, apprenant qu’Arkélaüs régnait sur la Judée à la place de son père Hérode, il eut peur de s’y rendre. Averti en songe, il se retira dans la région de Galilée et vint habiter dans une ville appelée Nazareth. Ainsi s’accomplit ce que le Seigneur avait dit par les prophètes : Il sera appelé Nazaréen.
Commentaire :
Le récit de la fête a conservé le souvenir des dernières années sanglantes du règne d’Hérode. Le texte culmine avec les mots du prophète Osée (11 : 1) « De l’Égypte, je l’ai appelé mon fils ». La sortie d’Egypte, pays de servitude, va désormais s’insérer dans le mouvement correctif de toutes les dérives de l’histoire. Ce retour d’Egypte sera réalisé en trois étapes : le pays d’Israël, la Palestine en son ensemble ; puis la région de Galilée et enfin la ville de Nazareth. L’auteur a ainsi circonscrit le lieu d’origine de Jésus. Voyons le sens de l’une et l’autre de ces trois étapes.
Comme préambule à la toute première, il suffirait de relire le passage d’Ézéchiel concernant les exilés : « Comme j’ai jugé vos pères au désert du pays d’Egypte, c’est ainsi que je vous jugerai. Je vous ferai passer sous la houlette et vous ramènerai en petit nombre ; je vous ferai sortir du pays où ils séjournent, mais ils n’entreront pas au pays d’Israël, et vous saurez que je suis Yahvé. » (20 : 36-38) Jésus n’est plus ce Moïse mort dans le désert sans avoir touché la terre de Canaan (Dt. 34), mais celui qui rassemble tous les exilés en vue du retour définitif en terre d’Israël.
La région de Galilée, c’est le lieu où Jésus commença son ministère public annonçant aux foules la venue du Royaume, là où il enseigna et fit tant de prodiges. Jusqu’au Moyen-âge, la Galilée fut considérée par les Juifs comme une terre messianique, lieu de rassemblement des exilés autour du prophète Élie dans l’attente du Messie (Za. 9 : 1). C’est donc dans ce secteur privilégié que Jésus va débuter et poursuivre son ministère en répondant à l’attente des « pauvres de Yahvé ». Là aussi Jésus va confier son ministère à ses apôtres à l’heure de son Ascension (Mc 16 : 7).
Nazareth lieu de l’accomplissement de l’ensemble des promesses, l’accomplissement total des Écritures (Is. 7 : 14). « Peut-il sortir quelque chose de bon de Nazareth ? » Jésus va rendre célèbre cet humble village de Galilée, il deviendra « sa patrie » (Mc. 6 : 1 ; Lc. 4 : 16) et lui vaudra d’être appelé le « Nazôréen » ou le « Nazaréen ». (Mt. 2 : 23) C’est à partir de cette humble cité que Jésus se manifestera avec la plénitude de sa puissance messianique et que les promesses passeront dans les actes.
Ainsi se termine « les évangiles de l’enfance ». L’évangéliste n’a pas tiré ces récits de ses dossiers, mais de l’expérience chrétienne primitive appuyée sur l’inspiration des prophètes de l’Ancien Testament. Cette page d’évangile comme ses précédentes nous met en contact avec la réalité du mystère de Jésus : le début d’un long voyage sur les routes de notre monde à la recherche de la brebis perdue.