Depuis près de soixante-dix ans, le père Ceyrac aide les plus démunis en Ide où, à l’instar de Mère Teresa, il est considéré comme une légende. Là-bas, il rend leur dignité à ceux qui croient l’avoir perdue, les aide à redevenir maître de leur destin, leur ouvre un chemin de liberté et de bonheur. Jamais, il ne dit « non » à un enfant en détresse et se dépense sans compter auprès de plus 40 000 orphelins. A 90 ans, le père Ceyrac est loin d’avoir terminé son combat et déclare « faire du rabiot pour appendre à aimer ». Dans ce livre, il rend hommage à ceux qu’il a croisés sur sa route, nous lègue l’espérance qui l’habite au crépuscule de sa vie et nous apprend à ne jamais désespérer de l’être humain.
Le testament d’un homme de foi qui a passé sa vie à faire du bien sans faire de bruit.
Chapitre 15, p 104. L’amour plus fort que la mort
Nous avons tous connu des hommes et des femmes prêts à donner leur vie pour les autres. Les plus âgées parmi nous se souviennent des heures sombres de la dernière guerre, heures illuminées par des éclairs d’amour.
Lors d’un de mes derniers voyages en France, j’ai voulu monter sur le plateau du Vercors où certains de mes amis, comme le père de Montcheuil, avaient fait don de leur vie pour des êtres aimés. J’ai voulu monter aussi à Verdun où mon père avait vécu dans des tranchées impossibles durant la première guerre mondiale. Il suffit sur les hauteurs de Douaumont ou sur le plateau du Vercors pour comprendre que l’amour est plus fort que la mort.
Combien de personnes, parfois très ordinaires – des gens qui croient, des gens qui n’y croient pas – ont exposé leur vie dans les années 40 pour sauver un Juif aux abois ou un résistant parachuté du Ciel. Beaucoup d’entre eux n’avaient pas conscience de faire des gestes héroïques. Mais l’amour est plus fort que la mort.
C’est ce que je vis moi-même tous les jours, ici dans nos pays du Sud – pays du soleil sans doute et de la beauté, mais aussi et surtout pays de la faim et de la mort. En Inde, dans cette grand ville de Madras qui augmente de façon démesurée et où les bidonvilles se multiplient, je connais de nombreuses et pauvres femmes qui vivent tous les jours de cette phrase si simple qui en dit tant sur le cœur de l’homme : l’amour est plus fort que la mort.
Je connais de femmes, toutes maigres, toutes pauvres et encore pourtant toutes belles qui, pour acheter un peu de lait pour leurs enfants malades vont d’hôpital en hôpital pour vendre dans les blood banks un peu de leur sang – elles en ont si peu les pauvres – pour acheter du lait – elles n’en ont plus. Elles vivent sans le savoir que l’amour est plus fort que la mort.
Car l’amour, c’est la substance même de nos vies, c’est ce que nous tous nous cherchons car nous sommes faits pour aimer. L’amour seul peut transfigurer nos vies et les illuminer.
J’ai reçu récemment d’une jeune Française admirable, volontaire en Inde dans une ONG qui s’occupe de l’enfance en détresse. Elle me racontait dans sa lettre le magnifique travail qui s’y faisait, mais les dernières lignes m’ont surpris : « En dépit de tout cela, me disait-elle, je n’ai pas trouvé ici ce que je cherchais, et je ne voudrais pas quitter l’Inde sur l’impression d’un échec » Échec ? Que ce mot est dur ! Elle vint me voir et je lui conseillais d’aller passer quelques jours dans l’un de nos villages d’enfants au sud de Madras. Elle en revint radieuse une ou deux semaines plus tard : « j’ai trouvé ce que je cherchais ! » s’exclama-t-elle. Et elle ajouta ce mot que les jeunes filles n’osent pas trop prononcer quoi qu’elles en vivent : « j’y ai trouvé l’amour ».
C’est ce que nous cherchons tous, l’amour qui transfigure nos vies et qui triomphe de la mort. « Tout mon exercice est d’aimer », disait Saint Jean de la Croix.