Nous venons de passer une semaine où, plus que jamais, la Palestine s’est retrouvée à l’avant-scène de l’actualité. Son chef, Yasser Arafat est décédé. La vie de cet homme a été marquée par le combat pour la liberté de son peuple. Un combat rude, ponctué de scènes de grande violence. Des scènes qui ressemblent à celles de la fin du monde
Pendant ce temps, à Falloujah en Iraq, la guerre s’intensifie. Les médias nous lancent des images particulièrement violentes, des attaques virulentes. Des morts nombreuses du côté des rebelles. Des morts aussi de l’autre côté. On découvre des otages ligotés, portant des signes évidents de mauvais traitements, de tortures. Là aussi, nous avons l’impression de reconnaître la catastrophe finale.
Sur un autre continent, plus précisément en Côte-d’Ivoire, c’est la guerre là aussi. La guerre avec ses morts, ses haines, ses viols, ses attaques, ses injustices, sa déshumanisation. Autres scénarios de fin du monde, de destruction de l’humanité et de la création.
Et que dire du Darfour où des vieillards, des femmes, des enfants fuient la haine et se retrouvent en exil, affamés, démunis de tout. Depuis de trop longs mois.
Elle est longue, la liste des misères humaines, des colères, des attaques les uns contre les autres. Depuis les débuts de l’humanité, Caïn et Abel s’affrontent. La haine est sur le qui-vive. Tapie dans l’ombre, elle est toujours prête à surgir.
Nous la connaissons bien, la haine. Nous avons nous aussi nos violences. Le désir de frapper se manifeste de temps à autre dans notre quotidien. Nous subissons, nous aussi, la tentation de la vengeance. Nous avons nos propres mépris, notre collection de haines ou, au moins, nos distances, nos rejets, nos durcissements.
Derrière la haine, il y a la peur de l’autre. Souvent, la haine est une peur déguisée. Nous croyons à nos préjugés et à nos clichés racistes. La haine est une façon de dresser des murs protecteurs autour de notre domaine. La haine – même quand elle se tourne vers l’autre et l’attaque – est une forme de repli sur soi, une manière de refuser l’autre et de se construire un monde isolé, tourné exclusivement vers nous-mêmes.
La fin du monde de la haine n’est pas encore arrivé. Dans sa sagesse, Jésus l’a bien remarqué: «Ce ne sera pas tout de suite la fin». Mais le Christ a proposé de commencer tout de suite un autre monde, celui de l’amour. Nous en parlons souvent. Nous le recherchons constamment. Malgré les tentations de la haine, nous ne supportons pas de ne pas aimer et de ne pas être aimés. Nous demeurons en quête d’amour. C’est par amour que nous avons été créés. Et nous portons en nous cet amour comme une soif insatiable. C’est comme une sorte de gène que nous nous transmettons de génération en génération depuis les tout premiers êtres humains.
La croix se dresse dans notre existence. Elle est l’expression à la fois de la haine humaine et de l’amour que nous pouvons donner. Elle rappelle que nous pouvons nous mépriser jusqu’à nous condamner mutuellement à la mort. Elle rappelle aussi que nous pouvons nous aimer jusqu’à mourir les uns pour les autres.
Celui qui a été dressé sur la croix a choisi alors l’amour plutôt que la haine. Il a choisi d’aimer l’humanité jusqu’à donner sa vie, sans violence, sinon la violence des pacifiques, la bouleversante révolution du don de soi dans un monde qui ne finit pas de se replier sur lui-même. C’est par sa persévérance qu’il a obtenu la vie.
Nous pouvons sans aucun doute franchir bien des distances qui nous séparent les uns des autres. Et comme le Christ, obtenir la vie par notre persévérance. Mais ultimement, l’amour n’aura le dernier mot que si nous consentons à laisser Dieu ressusciter l’amour en nous. Comme le Christ a lâché prise et s’est abandonné à Dieu. L’histoire de l’humanité ne peut devenir une histoire d’amour que si nous acceptons de nous ouvrir non seulement aux autres mais aussi à Dieu.