Le monde était occupé à faire la guerre ou à regarder les autres combattre des ennemis. Depuis quelques jours, l’attention s’est déplacée vers l’antique ville d’Athènes. D’autres combats, d’autres guerres attirent notre attention. Des guerres pacifiques. Des hommes et des femmes – la plupart sont jeunes – se lancent dans la compétition sportive.
Ces jeux sont nés à une époque où la Grèce vivait à temps plein sur le sentier de la guerre. On se haïssait à temps plein! On se torturait à temps plein! On s’entre-tuait à temps plein! Quelqu’un eut la brillante idée de transformer les combats haineux en compétition amicale. Pour l’honneur! Pour le simple plaisir d’aller jusqu’au bout de soi-même, pour comparer les forces en présence. Pour admirer les riches possibilités du corps humain et même de l’esprit. Pour jouer, simplement pour jouer!
Se faire face sans se mordre. Et même admirer l’adversaire, lui tendre la main pour le féliciter. Et peut-être trouver le goût de transformer les combats qui devaient reprendre après la trêve, de les transformer en activités de collaboration, en actes de coopération, en attitudes fraternelles et pacifiques. Idéal, utopie, naïveté? Peut-être. Mais les humains sont ainsi faits qu’ils construisent leurs bonheurs avec des rêves naïfs.
Au XIXe siècle, un baron parisien ralluma la flamme et ressuscita les Jeux olympiques. La fête reprit pour le plaisir qu’elle suscitait, pour les dépassements qu’elle faisait naître, pour la fierté des perdants comme des gagnants. Quand on fait son possible, quand on donne le meilleur de soi-même, le dernier peut être aussi fier que le premier. Tous ont droit à une médaille ou une couronne de laurier. Tous deviennent les rois et les reines du seul pouvoir qui mérite respect: la fraternité humaine, le partage amical de l’espace planétaire.
L’idéal est là, évoqué de bien des façons: dans les discours, dans la prodigieuse liturgie profane qui a ouvert l’événement et qui renaît chaque fois qu’on remet une médaille, dans les poignées de main et les applaudissements, dans l’immense arc-en-ciel des drapeaux qui invite non seulement à la trêve mais aussi et surtout aux alliances.
Si les aspirations sont parfaites, la réalité l’est moins. Le chef-d’oeuvre a ses faiblesses. Malheureusement, la tricherie est de la partie, avec toutes ses subtilités. L’imagination peut aussi inventer des malhonnêtetés. Cette année, il est question plus que jamais de dopage. On fait appel à des substances qui multiplient les forces corporelles. On altère la nature au point qu’il faut se demander si les athlètes font encore partie de la dite nature ou s’ils n’accèdent pas à une autre espèce d’animal.
Il paraît que la tentation a toujours été là, même au glorieux temps des jeux grecs. Il paraît même qu’il s’est trouvé, à toutes les époques, des participants qui ont succombé. Ils se sont laissé séduire par l’intérêt personnel et le goût du gain. Il est vrai qu’ils sont témoins d’autres tentatives où on veut altérer la nature. Qu’on pense simplement à tout ce que l’on fait en agriculture et en biologie humaine. Les expériences en médecine et en pharmacie ont ouvert des portes sur des jardins qu’on croyait inaccessibles et même défendus par la loi naturelle. Il ne faut donc pas se surprendre qu’on aille jusqu’à exploiter ces «ressources» dans les compétitions sportives. Les avancées des sciences exigent donc une surveillance accrue. La vigilance devient de plus en plus complexe et suppose des compétences nouvelles.
En même temps, il faut «se prêcher» l’idéal olympique avec plus d’ardeur. Il faut se convaincre que les vraies médailles olympiques sont données à ceux et celles qui respectent l’esprit originel. Il faut pouvoir monter sur le podium pour célébrer aussi et surtout la victoire de l’honnêteté et de la droiture. Il faut pouvoir rentrer chez soi la tête haute, aussi fier de ses attitudes éthiques que de ses exploits sportifs.
Après les jeux, les médias vont attirer de nouveau notre attention sur les guerres avec leurs haines et leurs injustices. Souhaitons que les jeux olympiques aient suscité le goût de vivre autrement sur une planète créée avant tout pour des alliances.