Une route peu praticable
Comme le temps approchait où Jésus allait être enlevé de ce monde, il prit avec courage la route de Jérusalem.52 Il envoya des messagers devant lui ; ceux-ci se mirent en route et entrèrent dans un village de Samaritains pour préparer sa venue. 53 Mais on refusa de le recevoir parce qu’il se dirigeait vers Jérusalem. 54 Devant ce refus, les disciples Jacques et Jean intervinrent : « Seigneur, veux-tu que nous ordonnions que le feu tombe du ciel pour les détruire ? » 55 Mais Jésus se retourna et les interpella vivement. 56 Et ils partirent pour un autre village. 57 En cours de route, un homme dit à Jésus : « Je te suivrai partout où tu iras. » 58 Jésus lui déclara : « Les renards ont des terriers, les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête. » 59 Il dit à un autre : « Suis-moi. » L’homme répondit : « Permets-moi d’aller d’abord enterrer mon père. » 60 Mais Jésus répliqua : « Laisse les morts enterrer leurs morts. Toi, va annoncer le règne de Dieu. » 61 Un autre encore lui dit : « Je te suivrai, Seigneur ; mais laisse-moi d’abord faire mes adieux aux gens de ma maison. » 62 Jésus lui répondit : « Celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière n’est pas fait pour le royaume de Dieu. »
Commentaire :
Nous sommes toujours en route vers Jérusalem, chemin auquel l’évangéliste Luc consacre la quatrième partie de son évangile (9 : 51 – 19 : 28). Le temps pour Jésus de réaliser sa mission de salut touche à sa fin, il s’accomplira avec son enlèvement. La détermination du Sauveur de se rendre à Jérusalem est une décision grave ; par deux fois, il annonce sa passion (9 : 22 et 44), ce qui ne l’empêche de s’engager courageusement dans ce dernier droit. « Il prit courageusement la route ». Les disciples étaient fort nombreux.
Pourquoi traverser la Samarie, quand on sait que les Juifs n’y étaient pas autorisés, et s’ils l’osaient, ce n’était pas sans danger et ce depuis des siècles. La mauvaise relation entre Juifs et Samaritains est ici marquée par le refus d’une bourgade de Samarie d’héberger Jésus. Sans insister, ce dernier poursuit sa route non sans manquer de réprimander les « Boanerges », fils du tonnerre, Jacques et Jean indignés. Drôle de tempérament que celui de ces deux frères avant tout préoccupés de leur place dans le Royaume. Ils y parviendront à ce Royaume tant désiré mais à certaines conditions illustrées dans la suite.
Comment suivre Jésus ? Trois courtes scènes apportent la réponse : abandonner toute sécurité (57-58), tout subordonner au devoir d’évangélisation (59-60) et finalement regarder en avant (61-62). Le premier intervenant exprime son désir de suivre le Maître n’importe où. Jésus aurait-il dû le prévenir de sa Passion ? Au contraire, il le met en garde : l’insécurité et la vie errante l’attendent. Le Fils de l’homme demeure comme un étranger et voyageur sur cette terre (1 Pet. 2 : 11), sans aucune cité permanente (He. 13 : 14). Suivre Jésus risque d’exposer à tous les imprévus de la vie
Au deuxième qui ne demande rien, Jésus ordonne de la suivre. Hélas ! son père vient de mourir. Dans le judaïsme, la piété filiale est fondamentale, elle fait aux enfants un devoir d’inhumer leurs parents. Les cérémonies funèbres duraient sept jours. Jésus refuse le délai et propose de le suivre sans retard comme Dieu l’exigea d’Abraham devant immoler son fils Isaac (Gn 22 : 3). Les devoirs humains doivent être subordonnés aux exigences du Royaume, quelle que soit la gravité de ces devoirs familiaux. Nous retrouvons cette même pensée en 14 : 26 où Jésus enseigne que l’amour pour le Seigneur doit passer avant l’amour des siens. Qui ne se rappelle la scène de vocation d’Élisée (1 R. 19 : 19-21) ? Pas question pour le prophète désigné d’aller embrasser les siens avant de partir. « Que les morts ensevelissent leurs morts » proclame Jésus, le paganisme et ses rites ne doivent pas avoir le pas sur l’évangile.
Un troisième survient et comme le premier, il s’offre à suivre Jésus, mais non sans prendre congé des gens de sa maison. C’est par un proverbe que Jésus lui répond : Pour tracer le sillon avec la charrue, il faut regarder droit devant soi et non en arrière. Élisée conduisait lui-même la charrue lors de l’appel du prophète Élie. Suivre Jésus exigera donc une rupture totale avec le passé. Regarder en arrière désigne un certain souci de conserver un patrimoine de valeurs et d’expériences acquises dans le passé. Pour suivre le Christ, il importe d’une certaine façon de renoncer à ce passé. Un cœur partagé ne peut marcher à la suite du Christ et regarder en avant.
Les offres d’emploi sont on ne peut plus précis. Ne disons pas que l’ouvrage fait défaut. Les vrais ouvriers apostoliques se montrent peu empressés ou n’en ont point les qualificatifs. La route de Jérusalem et sa passion font peur.