Les enfants ont traversé la semaine que je viens de vivre. Des enfants dans des situations pas faciles.
Il y a eu d’abord ce récit dans le journal: on a découvert des enfants enchaînés depuis leur naissance dans une pièce de la maison de leurs parents. Abandonnés, sans soin, sans amour, sans attention, ils étaient aussi sauvages que le loup dans une forêt… Innocentes victimes de la cruauté de grandes personnes… Le général Dallaire qui se trouvait au Rwanda lors des massacres de 1994 croit avoir serré la main du diable à cette époque. Il semblerait que le diable ne soit pas resté au Rwanda. Il voyage. Il fait des visites. Il s’installe ailleurs aussi…
En début de semaine, il y a eu ce couple qui m’est arrivé en larmes. Cet homme et cette femme ne voulaient pas d’enfant. Une imprudence a fait en sorte que la femme est maintenant enceinte de deux semaines. Angoisse, panique, désarroi, révolte… Une solution revient constamment dans la conversation: l’avortement. Le non-enfant, l’enfant-rien, l’enfant absent. J’écoute. Je pose des questions. Je fais réfléchir. Une pensée traverse mon esprit: j’aurais tellement aimé avoir moi-même des enfants, même des enfants malcommodes… Eux, ils en ont la possibilité et ils ne veulent pas… Décidément, les rêves et les options sont drôlement partagés dans l’humanité!
Vendredi soir, je partage le repas d’un couple ami, revenu au Canada après un séjour de cinq ans en Europe. Ils ont adopté quatre enfants. D’abord, des jumeaux, des adolescents dont la santé laisse à désirer et qui ont du retard dans leurs études. Le troisième a été récupéré d’un horrible orphelinat d’un pays d’Europe de l’Est, une véritable maison de torture. Les jambes paralysées, le jeune se déplace avec des béquilles. Le petit dernier, dix-sept mois, d’origine congolaise, trisomique avec en plus un problème sévère de déglutition. Ne parle pas; ne marche pas; ne fait rien tout seul. Cet enfant est un véritable temps plein pour ses parents.
On pourrait croire que mes amis ont choisi le malheur. Mais chez eux, ça rit, ça s’amuse, ça parle avec enthousiasme, ça fait des projets. On ne nie pas les limites; on ne ferme pas les yeux sur la dure réalité. Mais on vit sans frontières avec ces frontières. On dépasse, on se dépasse. Finalement, j’ai trouvé là le bonheur dans toute sa splendeur!
Un enfant, c’est l’avenir au présent. Toute une vie se récapitule et se ramasse en bouquet. Nous ne pouvons pas tout deviner des traits qui composeront cet avenir. La part du mystère garde ses secrets. Mais l’avenir est là et se construit jour après jour. Il s’embellit quand il fait soleil et que des bras embrassent. Il porte les cicatrices des blessures que la violence peut infliger. Tout est possible.
Aux enfants, il faut donner le goût de l’avenir. C’est le plus beau cadeau que nous pouvons leur offrir. Il ne se vend pas dans les magasins de jouets. Il se fabrique jour après jour au plus intime de soi. Il se bâtit à même les défis que nous relevons, les audaces que nous vivons, le courage qui nous pousse à l’action. Il faut aussi une bonne dose de rêves pour que la vie invente de l’inédit…