En l’an de grâce
Chaque année, les parents de Jésus allaient à Jérusalem fêter la Pâque. Quand Jésus a douze ans, ils s’y rendent, selon la coutume de cette fête. La période des fêtes achevée, ils repartent. Jésus, l’enfant, est resté à Jérusalem sans qu’ils le sachent. Ils font une journée de route, pensant qu’il est avec les autres voyageurs. Puis, ils le cherchent parmi les parents et connaissances. Ils ne le trouvent pas ; ils retournent le chercher à Jérusalem. Trois jours plus tard ils le trouvent dans le Temple, assis parmi les maîtres. Il les écoute et les questionne. Tous ceux qui l’entendent sont stupéfaits de sa compréhension et de ses réponses. Ses parents sont surpris de la voir. Sa mère lui demande : « Enfant pourquoi as-tu agi de cette façon envers nous ? Dans l’inquiétude, ton père et moi, nous t’avons cherché ». Il répond : « Pourquoi m’avez-vous cherché ? Ignorez-vous qu’il faut que je m’occupe des affaires de mon Père ? » Ils ne comprennent pas ce qu’il dit. Jésus repartit avec eux pour Nazareth et il leur obéit. Sa mère a gardé toutes ces choses dans son cœur. Jésus devenait plus sage. Il grandissait en taille et en faveur devant Dieu et les hommes.
Commentaire :
Dans quelques jours, le Nouvel An fera son apparition et dans la fantaisie populaire, un enfant prendra la place d’un vieillard. Et pourtant, comme l’écrit Simone de Beauvoir « cette impitoyable vieillesse qui pas à pas, sans bruit, s’avance»… Ainsi nous faisons disparaître le piège du temps, cette façon qu’a le temps d’imiter l’éternité, comme si chaque matin, selon l’expression de Bossuet, nous rendait un jour semblable à celui que la veille il nous avait dérobé, comme si l’année écoulée semblait ressuscitée dans l’année qui commence pour ne point écrire recommence. Le temps serait-il à nos yeux une imitation de l’éternité ? Comment prendre vraiment conscience du temps qui passe, s’écoule pour ne plus revenir et nous laisse de jour en jour amoindri malgré toutes nos fantaisies, nos illusions, nos espérances même. La vie ne serait-elle que l’addition pure et simple d’un nombre d’années variable pour chacun ! Pour certains, la famille en devenir laisse quelque impression positive, quand ce n’est pas un projet qui se réalise, une réalité qui pend visage. La vie a-t-elle un sens, l’année qui va commencer n’est-elle qu’un recommencement, ou prendra-t-elle un sens inédit pour chacun ? Comme le disait une vieille expression française : « En l’an de grâce »… le temps, notre temps, mon temps sera-t-il grâce de Dieu ? « Comment cela se fera-t-il, » demandait la Vierge à l’annonciation ? Il semble que l’épisode rapporté en cette fête de la sainte Famille en donne la réponse : « Votre père et moi, nous vous cherchions »… Ce cheminement annuel ne requière-t-il pas une certaine recherche de Dieu pour ne point dire une quête de sens ? Paul déclarait devant l’aréopage : « Dieu a fait habiter le genre humain sur toute la surface de la terre, fixant aux peuples les temps et les frontières de leur domaine, afin qu’ils cherchent Dieu ! » (Ac.17 : 26-28) On aura sans doute saisi que pour l’apôtre, il ne s’agit pas que d’une connaissance intellectuelle, mais d’une conversion, d’une expérience de Dieu dans la vie de chaque jour.
Chercher, rechercher, expression piégée, qui laisse entendre un état de doute, d’indifférence, dans lequel quelqu’un s’est installé et sert de prétexte à l’agnosticisme : on est en état de recherche sans réel désir de voir aboutir cette recherche. D’autres cherchent vraiment, mettent tout en œuvre pour trouver mais sans jamais rien trouver. Un petit nombre enfin cherchent parce qu’ils ont trouvé : « Tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais trouvé, » écrivait saint Augustin dans ses Soliloques, épanchement de son âme face à Dieu. Au-delà des mots de la foi, c’est de la vie même de Dieu dont la foi est en quête. Quoiqu’en affirme saint Paul au terme de sa vie : « J’ai combattu le bon combat, j’ai gardé la foi » (2 Tim. 4 : 7) , si, comme Jésus l’affirmait, la foi a la solidité du roc, elle n’en a ni l’inertie, ni l’imperméabilité aux choses du temps, aux heures du jour, au temps que nous vivons. La foi et le temps doivent constamment s’interpeller et s’interroger. Au cœur de la foi, il doit y avoir une permanente recherche, ce dont Marie est témoin dans cette phase de son existence. Son cri éploré de mère en quête de l’enfant perdu ou en fugue, témoigne bien moins d’une alerte parentale que d’une recherche du sens de la vie tant chez elle que dans la famille : « Nous vous cherchions ». Le cri du prophète traduit certes la source de toute sa vie : « Cherchez Dieu et vous vivrez » (Am.5 : 4), et l’exultation du psalmiste : « Joie pour les cœurs qui cherchent Dieu » (Ps. 105 : 3-4).
Cette recherche, raison de vivre, est de l’ordre de la contemplation : le temps et les événements qui en tissent la trame sont de nature à nous éclairer la-dessus. Chaque année nous est accordée pour avancer dans cette quête de Dieu pour arriver au jaillissement de l’amour : « Abba ! Père ! » Ainsi l’an nouveau qui pourrait malgré toutes nos fantaisies non moins s’inscrire en terme de vieillissement, se présente comme une occasion de renouvellement : « Transformez-vous par le renouvellement de votre esprit, écrivait l’apôtre Paul, afin de discerner quelle peut être la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui est agréable, ce qui est parfait …» (Rm. 12 : 2) L’année qui débute n’est pas à lire comme le programme d’un concert ; il faut chaque jour un discernement. Demeurer en état de recherche du meilleur aux yeux de Dieu, voilà ce qui inspira la Vierge tout au long de sa route de foi : « Marie ne comprenait rien à ce qui se passait, mais elle gardait toutes ces choses dans son cœur pour les méditer ». Son centre de recherche n’était pas seulement les événements dont elle était témoin, mais non moins la personne même de cet autre qui était et demeurait Jésus pour elle.
Elle a su l’accompagner chaque jour jusqu’à la croix sans rien comprendre, mais dans la foi et l’amour et ainsi faire de chaque année, une « Année de grâce ».