Viens et va
Ils arrivent à Jéricho. Et comme Jésus sortait de Jéricho avec ses disciples et une foule nombreuse, le fils de Timée, un mendiant aveugle, était assis au bord du chemin. Quand il apprit que c’était Jésus le Nazaréen, il se mit à crier : « Fils de David, Jésus, aie pitié de moi ! » Et beaucoup le rabrouaient pour lui imposer le silence, mais lui criait de plus belle : « Fils de David, aie pitié de moi ! » Jésus s’arrêta et dit : « Appelez-le ». On appelle l’aveugle en lui disant : « Courage ! Lève-toi, il t’appelle ». Et lui, rejetant son manteau, bondit et vint à Jésus. Alors Jésus lui adressa la parole : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » L’aveugle lui répondit : « Rabbouni, que je voie ! » Jésus lui dit : « Va, ta foi t’a sauvé ». Et aussitôt il recouvra la vue et cheminait à sa suite.
Commentaire :
À l’instar de la guérison de l’aveugle de Bethsaïde ( 8 : 22-26), récit immédiatement placé avant la profession de foi de Pierre à Césarée laquelle est suivie de l’annonce de la Passion, la guérison de cet autre aveugle précède l’acclamation des foules à l’entrée de Jésus à Jérusalem et le récit de la passion. On croirait que ces deux récits veulent orienter le lecteur vers une profession de foi : sur la route, en direction de Jérusalem, Jésus marchant devant eux, les disciples étaient dans la stupeur et les autres effrayés ». (10 : 32) Cet ensemble de Marc ( 10 : 32-11 : 10) visait à mettre en évidence la création d’un peuple de croyants qui adhère entièrement à Jésus-Messie. L’aveugle criait, criait de plus belle, puis la vue recouvrée, il se mit à suivre Jésus. Quelle incisive description du mystère de la foi, ses antécédents et sa grâce !
L’AVEUGLE
Il importe de noter dans ce passage (10 : 46-52) à quel point le thème de la route peut être important. Tous les éléments du texte s’y réfèrent : « Ils arrivent » alors qu’un aveugle est assis près de la route. Établi dans sa pauvreté, en situation d’exclusion, il se trouve dans son aveuglement loin de la foule et du chemin. C’est alors que le Christ interrompt sa marche et brise le mouvement. Tout se passe alors comme si Bartimée n’était plus aveugle : l’infirme rejette brusquement son manteau puis bondit et s’approche de Jésus. Condamné à demeurer dans sa situation, l’aveugle conquiert subitement sa mobilité et se met sur le chemin de Jésus. D’un cri, l’aveugle qui a entendu, désigne Jésus comme « Fils de David ». Tout éloigné qu’il pouvait être, Bartimée a entendu et la distance qui le séparait de Jésus disparaît subitement. Comme on pourrait dire, il enjambe l’éloignement par cette saisie soudaine et inexpliquée de Jésus dans le plus profond de son être.
LA GRÂCE
Jésus s’arrête, entend la supplication de l’aveugle et après une parole d’appel, « Appelez-le », il l’envoie « Va, ta foi t’a sauvé ». L’arrêt de Jésus a permis à l’aveugle de le rejoindre. Cet arrêt de Jésus sur la route vers Jérusalem joue un rôle central dans le récit. De l’éloignement, l’aveugle mord à l’occasion du rapprochement. La foi serait-elle donc un miracle acquis ? Une chose demeure, cette grâce doit demeurer : « Il le suivait sur la route ». Si Jésus a rompu son mouvement, arrêté sa marche sur la route, c’est pour que l’aveugle à son tour, s’engage sur le chemin.
Croire c’est voir, mais davantage encore suivre Jésus, et la condition est de sortir de son immobilisme et de toute exclusion, de se rapprocher non seulement d’une foule en marche, mais davantage encore de Jésus et de le suivre.
« Viens et va », tel est le rythme demandé à qui veut croire.