Au cours des derniers mois, dans différentes sessions, j’ai participé à la préparation au mariage d’une centaine de couples. Oui: une centaine! Surprenant n’est-ce pas, alors que la cohabitation ou le célibat semblent avoir la faveur d’un très grand nombre. Surprenant aussi alors que les homosexuels, en réclamant le droit au mariage avec le fort soutien des médias, nous donnent l’impression qu’ils sont les seuls au monde.
Vais-je faire vieux jeu, dans ce billet, en m’intéressant au mariage entre un homme et une femme? Plus encore, en réfléchissant au mariage chrétien, au sacrement de mariage? Vieux jeu ou pas, je crois fermement qu’il y a là une richesse qui mérite au moins autant d’attention que tout autre forme d’amour ou d’amitié. Et peut-être même davantage!…
Dans une église au cours de l’été, un homme et une femme ont célébré ou vont célébrer leur mariage. Ils étaient loin l’un de l’autre avant que leurs routes se croisent. Personne n’aurait cru, à leur naissance, qu’ils seraient ensemble aujourd’hui. Trop de distances, trop d’obstacles, trop d’inconnus se dressaient entre eux. Et pourtant, un jour, ils se sont rencontrés. Et l’amour les a unis l’un à l’autre. Et le désir de partager la même aventure. Et le désir de poursuivre leur vie en comptant l’un pour l’autre, en comptant l’un sur l’autre.
L’amour faisait déjà partie de leur existence avant qu’ils se rencontrent. D’autres les avaient déjà aimés: leurs parents, leurs familles, leurs amis. C’est même l’amour qui leur a donné naissance. Ils sont nés parce que deux êtres s’aimaient et souhaitaient les aimer. S’ils s’aiment maintenant, ils le doivent en partie à ces amours qui les ont habités et qui les habitent encore. Nous ne pouvons aimer que si nous avons déjà été aimés. Seul l’amour fait naître l’amour.
Cet homme et cette femme doivent donc beaucoup à ceux et celles qui ont traversé leur histoire personnelle. Et la fête de leur mariage leur donne l’occasion de parcourir la généalogie de l’affection et de la tendresse dont ils ont été comblés au cours des années. L’occasion aussi de reconnaître l’immense dette qu’ils ont envers toutes ces personnes qui ont croisé leur route. La célébration du mariage les conduit à la reconnaissance.
Mais aujourd’hui, ils sont appelés à aller plus loin encore. Ils étaient un fils et une fille. Dieu leur propose maintenant de devenir un époux et une épouse l’un pour l’autre. «L’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme…» À leur tour, ils deviennent une famille. Un jour, ils seront des parents parce qu’ils auront laissé des enfants envahir leur univers. Comme d’autres ont accepté autrefois qu’ils pénètrent dans le leur. Ils prennent le relais maintenant et ainsi l’amour poursuivra sa course dans les siècles à venir. À cause d’eux, un peu plus de paix existe sur la terre. Un peu plus de fraternité, un peu plus de solidarité, un peu plus de respect.
En se donnant mutuellement le sacrement de mariage, leur amour s’agrandit aux dimensions de Dieu. Aimer comme Dieu, aimer avec Dieu, aimer grâce à Dieu, c’est le projet qu’ils sont en train d’adopter. C’est grand, plus grand encore que leurs deux coeurs ensemble. Nous leur disons le moins naïvement possible: «N’ayez pas peur. Faites confiance à Dieu. Laissez-le aimer à même vos amours. Laissez sa fidélité s’exprimer dans la vôtre. Laissez Dieu se donner dans le don que vous vous faites l’un à l’autre.»
Cet homme et cette femme vont rencontrer Dieu en s’aimant. Les autres pourront aussi reconnaître Dieu dans le témoignage de leur amour. Bien davantage, leur amour manifestera Dieu qui s’est révélé en Jésus, dans sa tendresse et dans sa bonté, dans sa discrétion comme aussi dans les audaces de son amour. Une audace qui l’a conduit à donner sa vie, toute sa vie. Il est mort pour que jamais l’amour ne meure.
Désormais, quand ces mariés participeront à l’eucharistie, le pain quotidien de leur amour sera pétri à même la pâte du Christ. Leur amour deviendra le pain de vie, le pain de la communion de Dieu avec l’humanité dans la personne du Christ. Le pain de leurs pardons mutuels s’inscrira dans la miséricorde de Dieu. Le pain de leur fidélité retrouvera son origine, c’est-à-dire la fidélité d’un Dieu qui jamais ne reprend sa parole. Le pain de leurs générosités se transformera à l’image du Christ qui s’est donné totalement.
Tout ce qu’ils disent, tout ce qu’ils font, porte désormais la marque du Christ.