Église! Pauvre Église! Te voilà bien malmenée depuis quelques semaines! Les médias te tapent dessus avec une jouissance de Wisigoth. On a trouvé ton talon d’Achille, ta faiblesse. Ou du moins, on croit l’avoir trouvée. Tes chefs sont ridiculisés. En écoutant leurs propos, on ne se contente pas de sourire, on s’esclaffe! On pavane en habits liturgiques pour ironiser, dénoncer, condamner pape, évêques et prêtres. On pointe du doigt un clergé que la pédophilie ronge dans certaines régions du monde. Qui plus est, dans les régions les plus exposées aux observateurs médiatiques. Bon nombre de tes fidèles se taisent. Certains sont frileusement apeurés. D’autres, peu habitués aux calomnies, cherchent la bonne façon de faire face à la réalité. Quelques-uns, au moins quelques-uns, se retirent sans bruit, sans éclat, déçus des réactions ecclésiastiques, séduits par le courant majoritaire.
Église! Pauvre Église! Tu en prends pour ton rhume. Église catholique romaine avec tes déclarations et tes prises de position à l’encontre de l’opinion populaire. Église épiscopalienne et anglicane menacée d’une profonde division au sein de tes communautés à l’occasion de l’élection d’un homosexuel à la tête d’un diocèse américain. Église sinistrée, victime des désastres que provoquent tes frasques autant que des calomnies dont on t’affuble. Sinistrée et victime comme les régions où les inondations balaient tout sur leur passage. Sinistrée et victime comme les villages entourés de feux de forêt, qui perdent leurs biens les plus précieux.
Église! Pauvre Église! Te voilà devenue faible, fragile, dangereusement exposée, à la merci de la moindre force, de la plus petite puissance. Ce n’est pas la première fois que tu te retrouves traquée sur le champ de bataille, coincée dans les Thermopyles de tes détracteurs. C’est même arrivé souvent dans ton histoire. Comme dans l’histoire d’Israël d’ailleurs. Souviens-toi des Hébreux sous les fouets des garde-chiourmes égyptiens. Souviens-toi de l’armée de Saül décontenancée, tout tremblante devant le moindre grincement de dents des philistins et de leur géant Goliath. Souviens-toi du peuple d’Israël sur la route de l’exil, loin d’une terre qu’il croyait avoir reçu de Dieu pour toujours. Souviens-toi des premiers chrétiens poursuivis, condamnés, torturés pour avoir choisi de suivre Jésus de Nazareth. Souviens-toi de ce que tu as vécu en France pendant et après la Révolution française. Souviens-toi de tes déchirements au moment des troubles de 1837 au Canada même. Souviens-toi de ce que tu as vécu en Allemagne sous le règne d’Hitler, en Russie au temps des communistes. Et dans combien d’autres régions du monde aujourd’hui autant qu’hier. Peut-être même davantage.
Église! Pauvre Église! Tu poursuis dans ta chair ce qui manque à la passion du Christ. Tu es son corps blessé, fragilisé, meurtri. Paul te dirait: «Glorifie-toi de ta faiblesse, car c’est alors que tu es forte!» Il ne te parlerait pas ainsi pour que tu baisses les bras et que tu te résignes à ton sort. Il ne t’inviterait pas à te laisser manger la laine sur le dos, ni à faire le petit chien battu! Il n’y a rien de chrétien dans la résignation. L’Apôtre te rappellerait plutôt qu’il n’y a d’avenir et de vérité dans l’Église que dans la disponibilité à Dieu qui agit puissamment dans la faiblesse. Regarde encore l’histoire. Dans tes périodes de faiblesse, tu as donné naissance à tes plus belles richesses. Quand tu étais riche et puissante, tu as succombé aux pires tentations.
C’est très inconfortable de vivre dans la fragilité, j’en conviens. Inconfortable, mais inévitable. Les disciples peuvent-ils avoir un meilleur sort que leur maître? Le Christ est né dans la faiblesse. Il a vécu dans la faiblesse. Il a prêché dans la faiblesse. Il est allé jusqu’à mourir dans la faiblesse. Il n’est donc pas surprenant que les siens continuent de l’annoncer dans la faiblesse.
Avec ou sans son ton guerrier et sanguinaire, le cri de David devant Goliath demeure un acte de foi pour tout croyant: «Tu viens à moi armé d’une épée, d’une lance et d’un javelot; dit-il au géant, moi je viens à toi armé du nom du Seigneur, le tout-puissant, le Dieu des lignes d’Israël que tu as défié. […] Et toute la terre saura qu’il y a un Dieu pour Israël. Et toute l’assemblée le saura: ce n’est ni par l’épée, ni par la lance que le Seigneur donne la victoire, mais le Seigneur est le maître de la guerre…» (1 Samuel 17, 45-47)