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Questions sur la prière

Imprimer Par Paul-André Giguère

Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean-Baptiste l’a appris à ses disciples. Cette parole des disciples de Jésus relatée par l’évangéliste Luc (11 1) reflète une aspiration universelle. Comment, comme êtres humains, pouvons-nous entrer en rapport avec l’Absolu ? Par quels gestes, quels rites, quelles paroles ? Disons-le autrement : comment donnerons-nous forme à notre désir de rencontre ? Perplexe, la femme de Samarie dit à Jésus : « Nos pères ont adoré Dieu sur cette montagne et vous, les Juifs, vous dites : c’est à Jérusalem qu’on doit adorer » (Jean 4 20).

Les grandes traditions religieuses de l’humanité offrent toutes leurs réponses à ces questions. L’Islam apprend à se prosterner profondément cinq fois par jour tourné vers La Mecque en proclamant avec révérence qu’« Allah est grand et Mohammed est son prophète ». L’hindouisme propose ses pèlerinages et les offrandes de bâtonnets d’encens et de fleurs dans les temples et les sanctuaires. Le Juif apprend dès sa plus tendre enfance à réciter le Shema : « Écoute, Israël, l’Éternel ton Dieu est Un ». Le bouddhiste zen apprend la discipline de la concentration sur le silence et le vide.

La tradition chrétienne est sûrement une des plus riches traditions spirituelles de l’humanité en ce qui concerne la prière. Dans l’Orient orthodoxe, la prière est essentiellement communautaire et liturgique. Dans les Églises issues de la Réforme, elle emprunte volontiers les chemins du chant édifiant en réponse à la proclamation de la Bible. Dans l’Église catholique, elle s’articule autour de la liturgie monastique qui tous les jours chante les psaumes. Sans négliger la célébration liturgique du dimanche, la tradition catholique accorde une place privilégiée à la prière personnelle silencieuse. Elle sait également accueillir la dévotion populaire avec le chapelet, les formules récitées pendant neuf jours consécutifs (« neuvaines »), l’usage de bougies devant les images des saints.

Les écoles et les traditions de prière ne manquent pas, avec leurs techniques issues de l’expérience de centaines, voire de milliers de priants. La méditation à la manière de Saint-Ignace de Loyola côtoie la lectio divina (lecture priante de la Bible), la contemplation à la manière de Thérèse d’Avila ou de Jean-de-la-Croix se retrouve à côté de la prière hésychaste où, à la manière des mantra des spiritualités de l’Inde, une formule brève est reprise sans cesse au rythme de la respiration.

Un problème surgit cependant du fait que ces traditions sont pratiquement toutes issues du milieu des ordres monastiques et des congrégations religieuses. Elles se sont développées dans des milieux de vie marqués par la régularité des horaires, la constance de l’engagement, un idéal commun sur lequel se fondent la fraternité, l’ascèse et le renoncement, surtout par rapport à la décision personnelle, la sexualité et l’argent.

Lorsque des « laïcs » sont initiés à la prière, ils rencontrent tôt ou tard (au moins) deux obstacles. D’une part, le sentiment de ne pas être tout à fait à la hauteur, car les exigences de la vie moderne, avec les multiples demandes de la famille et de la profession, rendent presque impossible la régularité ou la durée proposées pour une vie de prière « valable ». D’autre part, ce qui constitue les expériences principales de la vie ne semble pas facilement, pour ne pas dire pas du tout, pris en compte par ces traditions respectables : l’accueil de l’imprévu et du dérangement, les soucis financiers, l’exercice joyeux de la sexualité et des autres plaisirs de la vie, les multiples décisions concernant l’emploi du temps, le climat de compétition au travail comme dans la société en général…

Aussi bien sommes-nous en quête de nouvelles formes de prière, plus séculières, plus profanes, oserais-je dire, plus spontanées, plus en prise sur la vie. Nous sommes en quête de nouveaux rythmes, non plus quotidiens ou hebdomadaires, mais brisés, ou alternant à la manière du mouvement des marées, mettant à profit le temps des vacances, par exemple.

Nous sommes en quête, surtout, d’une revalorisation du désir intérieur. Car il arrive que les exigences de la vie moderne soient si fortes que lui seul subsiste pendant une longue période. Alors heureux, heureuse celui et celle qui aura entendu la parole d’Augustin : « Ton désir, c’est ta prière… Si tu ne veux pas cesser de prier, ne cesse pas de désirer (…) Ce désir ne parvient pas toujours aux oreilles des hommes, mais il ne cesse jamais de frapper les oreilles de Dieu » (Commentaire du psaume 37).

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