Vent de Pentecôte
Quand viendra le Paraclet que je vous enverrai d’auprès du Père, l’Esprit de vérité, qui provient du Père, il me rendra témoignage. Vous aussi, vous témoignerez parce que vous êtes avec moi depuis le commencement… J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les porter maintenant. Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira vers la vérité tout entière ; car il ne parlera pas de lui-même, mais tout ce qu’il entendra, il le dira, et il vous annoncera les choses à venir. Il me glorifiera, car c’est de mon bien qu’il prenne pour vous en faire-part. Tout ce qu’a le Père est à moi. Voilà pourquoi j’ai dit : c’est de mon bien qu’il prenne pour vous en faire-part.
Commentaire :
Qui est l’Esprit dont il est fait mention dans cet extrait du discours après la Cène ? Personnalité mystérieuse issue de la communion d’amour entre le Père et le Fils ou puissance divine, emprise intérieure de Dieu sur nous pour une mission précise dans l’histoire du Peuple de Dieu? Le texte de ce dimanche nous le présente à la fois comme procédant du Père et du Fils, mais aussi comme compagnon essentiel dans notre recherche de la vérité qu’il prend du Père et du Fils.
L’Esprit est présenté à travers toute l’Écriture comme présence animatrice, puissance sanctifiante que les chrétiens reçoivent du Père et du Fils. C’est l’Esprit qui anime les témoins ; par sa lumière et sa puissance nous atteignons la vérité. Diverses formes de cette présence vivifiante et dynamisante sont reconnues par Paul dans la jeune Église de Corinthe : « Il y a certes diversité de dons spirituels, mais c’est le même Esprit ; diversité de ministères, mais c’est le même Seigneur ; diversité d’opérations, mais c’est le même Dieu qui opère tout en tous. A chacun, la manifestation de l’Esprit est donnée en vue du bien commun…» (1 Co. 12 : 4-7)
Qui a conscience de tous les problèmes d’action et de pensée posés à la jeune Église qui ne cesse de se transformer et de se renouveler : les maux à combattre en perpétuel changement et de proportions toujours nouvelles ? Tout cela ne peut qu’exiger un renouvellement rapide de réponses et de solutions. Certes, le témoignage de foi de l’Église ne diffère pas, mais c’est la manière de témoigner et d’enseigner qui doit varier sous peine de n’être plus compris. Il faut réinventer la réponse chrétienne aux problèmes actuels, mais dans une entière fidélité à la Révélation. Chaque génération chrétienne ne repart pas à zéro, mais elle transmet à la génération suivante un héritage dogmatique et spirituel appelé à être modifié en ses formes si nécessaire.
Une double fidélité est donc requise : au passé en ce qu’il a d’essentiel et d’indéfectible ; et au présent, en ses fluctuations. Le danger de sacraliser indûment tel élément du passé est toujours dangereux. Ainsi, par exemple, fautèrent les adversaires de l’Immaculée Conception dans leur désir de fidélité à saint Bernard et saint Thomas. L’archaïsme est dangereux comme peut l’être le modernisme qui sacralise toute nouveauté, dénoncé notamment par Pie X. Le rôle de l’Esprit sera de guider les chercheurs et les croyants dans cette fidélité critique au passé et au présent, et de les garder de tout enthousiasme aveugle ou sectarisme agressif. Il y a dans la Révélation et l’action de l’Esprit de vérité un mouvement profond de compréhension qui dépasse progressivement les formulations et les réalisations du passé, et nous permet de partager des aspirations saines de la vie moderne tout en nous gardant des erreurs et déviations. Seule une vraie docilité au Saint Esprit peut nous préserver de tout écart pervers : fidélité à l’Église, qui a le dépôt de cette révélation et une grande charité fraternelle qui nous unit dans cette recherche de la vérité.
Ce qui importe n’est donc pas exclusivement la docilité du laïcat à l’autorité légitime de l’Église, mais aussi l’attention des pasteurs aux critiques, suggestions et demandes du laïcat. Il est indispensable que chaque partie du corps mystique du Christ, l’Église entière, demeure à l’écoute de l’autre. C’est ainsi que l’Esprit éclaire, guide et soutient chaque partie ( 1 Co. 12 ; Eph. 4) L’Esprit Saint est donné à l’Église pour entretenir l’élan de la Pentecôte et l’effort persévérant pour évangéliser le monde : s’adapter à la réalité contemporaine et à l’avenir prévisible.
Cet effort d’adaptation, ce dialogue entre l’Église et le monde, objectif du concile Vatican II, est le travail de l’Esprit. Pour y arriver, besoin est d’écouter à la fois la Tradition et les appels du monde qui nous entoure. Jean XXIII ( 3 juillet 1959) déclarait : « La but principal du Concile consistera à promouvoir le développement de la foi catholique, le renouveau de la vie chrétienne des fidèles, l’adaptation de la discipline ecclésiastique aux conditions de notre temps. » Paul VI parlera quant à lui de « Dialogue nécessaire entre l’Église et le monde ce temps. »
Un vent de Pentecôte bien venu en notre temps et ardemment souhaitable.