Les incrédules à l’aventure
Jésus se manifesta enfin aux Onze pendant qu’ils étaient à table, il leur reprocha leur incrédulité et leur obstination à ne pas ajouter foi à ceux qui l’avaient vu ressuscité. Il leur dit : « Allez par le monde entier, proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé ; celui qui ne croira pas, sera condamné. Et voici les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru : par mon Nom, ils chasseront les démons, parleront en langues, prendront des serpents dans leurs mains, et s’ils boivent quelque poison mortel, ils n’en éprouveront aucun mal ; ils imposeront les mains aux malades et ceux-ci seront guéris. » Or, après leur avoir parlé, le Seigneur Jésus fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu. Pour eux, ils s’en allèrent prêcher en tout lieu, le Seigneur agissant avec eux et confirmant la Parole par les miracles qui l’accompagnaient.
Commentaire :
Incrédulité et foi : tel peut être le résumé de cette finale de l’évangile de Marc ou du Pseudo-Marc. Laissons de côté toutes discussions concernant la finale courte et la finale longue de l’évangile. Dans la première section de cette conclusion de Marc ou du Pseudo-Marc (16 : 1-14), trois apparitions mettent en relief l’incrédulité des apôtres peu sensibles aux témoignages concernant la résurrection du Christ. Cette mise en question pourrait constituer une preuve indiscutable de la résurrection du Christ. Mais, chose étonnante, ces mêmes incrédules sont aussitôt envoyés en mission.(16 : 15) Quel rapport mettre entre foi et incrédulité ? Serait-ce que la vraie foi puisse se suffire de la garantie d’un témoignage humain, sans en exiger l’évidence (Jn.20 : 29 ; Mc 15 : 32) ? Ces versets nous placent en pleine chrétienté primitive. Les récits d’apparitions de Jésus ressuscité aux apôtres fournissent différents types d’expression d’un même type de vision du Ressuscité aux apôtres. Disons qu’après avoir fait preuve de scepticisme, les apôtres reconnurent Jésus vivant et comprirent que celui-ci leur enjoignait de poursuivre sa mission.
ENVOI AU MONDE ENTIER
La reconnaissance de Jésus par les siens, si incrédules soient-ils, cède rapidement le pas à la mission au monde entier. Indiscutablement, il s’agit ici d’une prise de conscience des apôtres davantage que d’un ordre émané du Christ. Mais comment expliquer dans le temps l’intervention spéciale de l’Esprit Saint pour lancer Pierre à l’aventure auprès des païens (Ac. 10 ; 11 : 1-18 ; 15 : 7-11). Faut-il croire que c’est progressivement que les apôtres finirent par comprendre que le Christ ressuscité leur confiait implicitement la tâche universelle de la révélation. La conversion de Paul ne fut pas sans effet sur cette prise de conscience (Ac.15; Ga. 2). La mission de l’Église auprès des païens s’est donc clarifiée avec le temps, sans même qu’il soit fait mention du droit prioritaire des Juifs à l’évangélisation. La mission d’aller à la rencontre des hommes de par le monde entier est donc tardive et relève d’influences diverses.
PROCLAMER L’ÉVANGILE
Expression commune du langage missionnaire de l’Église primitive. Marc est pourtant le seul à utiliser ce terme « évangile » qu’il associe à proclamer (1 : 14 ; 13 : 10). Est également synonyme d’évangile le terme « kerygme » ou message, prédication élémentaire de la vie, la mort et l’exaltation de Jésus et l’annonce de son retour comme juge et Sauveur. Tel est le cour de l’Évangile, et c’est à toute la création que cet Évangile est destiné. Foi et conversion constitueront la réponse à cette annonce et seront liées au baptême comme conséquences normales de l’audition du message. La foi confessée publiquement dans la réception du baptême, avec la rémission des péchés, procure aux croyants le don de l’Esprit. La condamnation des incrédules prend ici valeur consistante. Pour Jean, le refus de croire constitue l’unique péché.
LES SIGNES
Les signes promis seront-ils le privilège exclusif des évangélisateurs ou de tous ceux qui auront cru ? Il semble qu’ils soient le fait de tous les croyants. Loin de dénier aux Onze le don des miracles, on laisse entendre que les charismes seront aussi le fait des simples fidèles (1 Co. 12 : 28 ss.) et de disciples non déclarés. (Mc. 9 : 38-40) Il suffit d’évoquer ici la geste des « apôtres» Paul et Barnabé (Ac.14 : 3 ss) et de simples auditeurs tel Corneille (Ac. 10 : 44-46). Ces signes se retrouvent aussi dans le Livre des Actes : Paul chasse les esprits mauvais et secoue la vipère attachée à sa main (Ac. 16 : 12 et 28 : 3-05) Le « parler en langue », ou la glossolalie, prodige des apôtres au matin de la Pentecôte, devient le fait de tant d’autres : Corneille (Ac.10 : 44-46), Johannites d’Éphèse (19 : 6), Corinthiens (1 Co. 14) et Paul lui-même (14 : 18) Mais les signes les plus habituels de la grâce dans les cours sont la constance (2 Co.12 : 12) et le désintéressement ( 1 Th. 2 : 20).
L ASCENSION
La mission lancée, Jésus est enlevé au ciel. L’événement, arrivé selon les Actes quarante jours après Pâques, est exprimé en des termes comparables à l’enlèvement d’Élie. (2 R. 2 : 11) L’exaltation céleste « à la droite du Père » demeure quant à lui un mystère accessible à la seule foi, cette glorification du Christ est empruntée au psaume 110, et réfère à la prophétie de Jésus devant le Sanhédrin (Mt. 26 : 63-65) Jésus disparu à leurs regards, les onze quittent la montagne pour annoncer l’Évangile en tout lieu. Leur activité missionnaire et celle de l’Église de tous les temps compte sur la présence invisible et efficace de Jésus. Lui seul peut confirmer la Parole par des signes, mais il soutient aussi de son énergie la mission des messagers.
Telle fut l’aventure incroyable de cette bande d’incrédules.