Père de l’Eglise grecque né à Césarée de Cappadoce et frère de saint Basile (évêque de Césarée). Il devint évêque de Nysse par la volonté de Basile vers 372. Dans sa lutte contre l’arianisme, il subit de grandes difficultés et fut même déposé par les évêques ariens de la région. Il prit une part importante au synode d’Antioche de 379 et au second concile œcuménique de Constantinople en 381 où fut précisée la doctrine officielle de l’Eglise face à l’arianisme. L’œuvre considérable de Grégoire peut être répartie en trois groupes principaux : œuvres dogmatiques (dont fait partie le traité « Sur l’âme et la résurrection), œuvres exégétiques et homélies, œuvres ascétiques.
132. La résurrection, transfiguration de la nature : 1Co 15, 42b-44a
On sème en effet, dit-il [l’Apôtre], dans la corruption, on ressuscite dans l’incorruption ; on sème dans la faiblesse, on ressuscite dans la force ; on sème dans l’ignominie, on ressuscite dans la gloire ; on sème un corps psychique, il ressuscite un corps spirituel. De même donc que le grain de blé dans le sol, après avoir été désagrégé, a abandonné sa petitesse de volume et les particularités naturelles de son état, mais sans se perdre lui-même — il demeure en lui-même et devient épi, infiniment différent de lui-même par la grandeur, la beauté, la diversité et l’apparence extérieure —, de la même manière aussi, la nature humaine laisse aller dans la mort toutes les particularités qui l’entouraient et qu’elle avait acquises dans sa condition soumise aux passions, je veux dire l’ignominie, la corruption, la faiblesse, les différences selon l’âge, mais sans se perdre elle-même ; Elle est au contraire changée comme en un épi, pour atteindre l’incorruptibilité, la gloire, l’honneur, la puissance, la perfection totale, l’absence désormais pour la conduite de la vie des particularités de sa nature, et elle passe à une condition spirituelle et étrangère aux passions. Ceci est en effet le trait propre du corps psychique, de toujours subir, par une sorte de flux et de mouvement, un changement par rapport à l’état qui est le sien, et de se transformer en autre chose ; car de ce que nous voyons maintenant non seulement en l’homme mais aussi chez les plantes et les animaux, rien ne demeurera dans la vie qui alors existera.
133. Antérieur à la semence, l’épi symbolise Adam avant la chute
Mais il me semble qu’en tout point la parole de l’Apôtre s’accorde avec notre conception de la résurrection, et qu’elle fait apparaître ce que précisément embrasse notre définition, qui dit que la résurrection n’est rien d’autre que la restauration de notre nature dans son état primitif. En effet, ce que nous avons appris de l’Écriture, c’est que dans la première création du monde, la terre a d’abord fait pousser l’herbe porteuse d’une graine, comme dit le texte ; ensuite, de la pousse est venue la semence, qui justement, une fois tombée en terre, a fait jaillir à son tour la même forme que ce qui avait poussé à l’origine. Or c’est bien cela, dit le divin Apôtre, qui se produit aussi à la résurrection ; mais il nous enseigne non seulement que l’humanité connaît un changement qui lui donne plus de magnificence, mais aussi que l’objet de notre espoir n’est rien d’autre que ce qui précisément était aux premiers temps. En effet, au début, il n’y a pas d’épi provenant de la semence, mais la semence est sortie de lui ; ensuite, au-dessus de la semence, pousse cet épi ; la logique de l’exemple montre clairement que tout le bonheur qui renaîtra pour nous par la résurrection sera un retour à la grâce originelle. Nous étions en effet épi nous aussi à l’origine, d’une certaine manière, lorsque nous avons été desséchés par la brûlure du mal, et la erre qui nous a reçus, désagrégés par la mort, fera apparaître de nouveau, au printemps de la résurrection, l’épi que sera ce grain tout nu de notre corps, de grande taille, plantureux, droit et faisant monter sa cime à la hauteur du ciel, paré, à la place de la tige de chaume ou de la barbe du blé, de l’incorruptibilité et de tous les autres signes dignes de Dieu : Il faut en effet, dit-il, que cet être corruptible revête l’incorruptibilité.
Mais l’incorruptibilité, la gloire, l’honneur, la puissance, on les reconnaît comme marques propres de la nature divine, marques qui précisément étaient auparavant en celui qui était selon l’image, et que l’on espère de nouveau. Car le premier épi, c’était le premier homme, Adam ; mais la nature, avec l’entrée du mal, a été partagée en une foule, ainsi qu’il en est du grain dans l’épi ; et nous de la même manière, après avoir été totalement dépouillés de la forme que nous donnait cet épi et après avoir été mélangés à la terre, nous poussons de nouveau, à notre tour, à la résurrection, selon la beauté de l’archétype, nous qui sommes devenus, au lieu de l’unique premier épi, les myriades infinies des champs de blé.
134. Vie vertueuse, purification et retour à l’image véritable de Dieu
Mais la vie vertueuse connaîtra en raison du mal les différences que voici : les gens qui ici-bas, au long de leur vie, se sont cultivés dans la vertu, poussent aussitôt en un épi parfait ; mais ceux en qui le mal a rendu débile et éventée en cette vie-ci la puissance contenue dans la semence psychique — ainsi qu’il arrive, au dire des savants en ces matières, à ce qu’on appelle « graines cornées » —, ceux-là, même si la résurrection les fait pousser, subiront auprès du juge une grande sévérité, parce qu’ils manquent de force pour retrouver la forme de l’épi et devenir ce que précisément nous étions avant la chute sur la terre. Le traitement qu’applique celui qui surveille les produits de la terre consiste à ramasser les mauvaises herbes et les épines qui ont grandi avec la semence, puisque toute la puissance qui nourrit doucement la racine s’est écoulée dans une plante bâtarde, ce qui a fait que la véritable semence est demeurée atrophiée et arrêtée dans son développement, pour avoir été étouffée avec la pousse contraire à sa nature.
Quand donc toute plante bâtarde et étrangère aura été arrachée du sol nourricier et menée à la destruction par le feu qui consume l’élément extérieur à la nature, alors la nature de ces êtres aussi sera florissante et viendra à maturité grâce à de tels soins, en recouvrant, au cours de longs cycles de temps, la forme commune dont Dieu nous a dotés à l’origine. Mais heureux ceux qui se lèveront immédiatement dans la beauté parfaite des épis de blé, quand la résurrection les fera pousser. Cela nous le disons, non que quelque différence corporelle doive se manifester, à la résurrection, chez ceux qui ont vécu dans la vertu ou bien dans le vice, au point de considérer l’un comme imparfait en son corps et de penser que l’autre a un corps parfait ; mais de même que durant leur vie le prisonnier enchaîné et l’homme libre d’entraves sont tous deux à peu près semblables dans leur corps, mais qu’entre eux deux la différence est grande en ce qui concerne le plaisir et la peine, de la même manière, je le pense, il faut considérer la différence entre bons et mauvais dans le temps à venir après cette vie ; car il y a achèvement complet pour les corps qui de la semence renaissent dans l’incorruptibilité, la gloire, l’honneur et la puissance, l’Apôtre le dit ; tandis que la déficience, pour de tels corps, ne signifie pas quelque mutilation corporelle dans l’être formé, mais une privation et une exclusion de tout ce qui répond à la notion de bien. Et puisque des deux termes de l’alternative, bien et mal, nous devons n’en conserver qu’un par-devers nous, dire de quelqu’un qu’il n’est pas dans le bien c’est affirmer, bien évidemment, qu’il est tout entier dans le mal. Or, environnant le mal, il n’y a ni honneur, ni gloire, ni incorruptibilité, ni puissance.
De toute nécessité donc, celui en qui ces biens ne sont pas possède, à n’en pas douter, les réalités qui sont conçues à l’opposé, faiblesse, déshonneur, corruptibilité et tout ce qui est du même genre, toutes choses dont il a été parlé précédemment ; il les possède parce que les passions de l’âme, issues du mal, sont difficiles à chasser, pour avoir été mêlées à elle en sa totalité, avoir grandi avec elle et être devenues unes avec elle. Quand donc les êtres de ce genre auront été purifiés et sanctifiés dans le traitement par le feu, chacune des réalités dont la notion a un contenu positif viendra prendre la place : l’incorruptibilité, la vie, l’honneur, la grâce, la gloire, la puissance, et toute autre réalité de ce genre qui, selon nos conjectures, s’observe à la fois en Dieu lui-même et en son image, qui est la nature humaine.