Le mois de mai vient de se pointer à l’horizon du printemps, dans mon coin de planète. Au nord où j’habite, c’est le mois des premières fleurs, du réveil des jardins. Le vent charrie des parfums qui sentent la liberté. Les oiseaux reviennent du sud. Ils agitent l’air et la lumière que l’hiver avait paralysés durant de trop nombreux mois.
«Vous avez le printemps bien tardif», me direz-vous si vous habitez plus au sud! Par contre, je connais des plus nordiques que moi qui envient ma région de pouvoir se réchauffer après la saison froide.
J’ai l’immense bonheur d’habiter dans un climat tempéré. Nous avons quatre saisons assez bien distinctes. Quatre saisons, donc quatre paysages différents au cours de l’année. Félix Leclerc, un poète de chez nous, a déjà écrit quelque chose comme ceci: dans le salon du campagnard, les fenêtres servent d’oeuvres d’art. Habitué de vivre dans des changements à tous les trois mois, j’oublie la chance que j’ai de voir se modifier mon univers. Quelques mois de vert tendre, puis quelques mois de couleurs chaudes, quelques mois de blanc. L’arc-en-ciel y passe, à ras de terre.
Les saisons que j’aime moins sont toujours trop longues. Celles que j’adore passe trop vite. Peu importe. Avec les années, chacune réussit à m’apprivoiser. Chacune m’impose un rythme de vie différent. L’hiver, je ralentis. Au printemps, je sors de ma tanière et me dégourdis comme l’ours. Je m’abandonne au farniente de l’été. Finalement, je m’agite à l’automne quand le vent bouscule les arbres et les dépouille de leurs feuilles.
Quatre saisons, ça vous fabrique une année de métamorphoses. Le changement est toujours à l’agenda. Il s’impose. Il paraît que la santé s’en ressent. Pourtant, je vis dans une région du monde où l’espérance de vie est nettement supérieure à bien d’autres. Il paraît que la dépression en guette plusieurs quand la saison froide établit ses quartiers pour de longs mois. Mais d’autres se remettent à vivre sur les pentes de ski ou durant les carnavals d’hiver.
Nous vivons à même la nature, au rythme des saisons. Il se développe des connivences entre elles et nous. Je change, moi aussi, comme les paysages. J’émigre dans mes saisons intérieures. En passant de l’une à l’autre, je peux tracer l’itinéraire de la maturation de mon être. Je peux harmoniser mes saisons à celles des autres comme à celles de la nature.
Je peux aussi reconnaître Dieu au fil des jours et des mois. Lui aussi adapte ses manifestations. Il colore ma vie de ses propres saisons: saison de ses invitations, saison de ses miséricordes, saison de sa tendresse, saison de ses discrétions… Nous pourrions allonger indéfiniment les saisons de Dieu puisque nous n’arriverons jamais à embrasser tout son mystère.
Mai, mois aux parfums printaniers, tu reviens et voilà que «nous continuons l’espérance du monde» (Gatien Lapointe).